Perchée sur des hauteurs boisées à 20 minutes de l’ancienne capitale impériale du Japon, la Villa Kujoyama déploie sa structure de béton à flanc de montagne. Chaque année, une quinzaine d’artistes et de créateur·rice·s français·es ou vivant en France s’y succèdent lors de séjours de recherche de quatre à six mois. Des profils aussi variés que ceux du plasticien Pierre Huyghe, de l’écrivain Emmanuel Carrère ou de la chanteuse Pomme y ont séjourné.

Modelée d’après l’exemple de sa grande sœur romaine, la Villa Medicis, la Villa Kujoyama est inaugurée en 1992, une époque où le concept de résidence artistique est encore peu développé au Japon. Lieu de dialogue entre les cultures, elle est soutenue par l’Institut français et participe à la diplomatie culturelle de la France, marquée par une volonté d’accompagner la mobilité des artistes. Mûri de longue date, ce projet s’inscrit dans l’héritage du « centre franco-japonais pour les échanges et la création » inauguré au même endroit en 1926 par l’écrivain Paul Claudel, alors ambassadeur au Japon.

Décloisonner les disciplines

L’innovation est au cœur de la mission de la Villa Kujoyama : dans son appel à candidature pour les résidences en 2025, elle fait figurer pour la première fois un programme « arts et sciences », en phase avec l’accélération des progrès technologiques de nos sociétés. Des binômes formés d’un·e artiste ou artisan·e et d’un·e scientifique issu·e des sciences de la nature ou des sciences formelles peuvent désormais se porter candidats – une volonté de créer des ponts entre les disciplines et d’apporter une nouvelle dynamique à la création contemporaine.

Dès ses débuts, la Villa Kujoyama accueille des artistes d’horizons variés, venu·e·s aussi bien des arts plastiques que des arts de la scène, de la musique ou du numérique, aux côtés de designer·euse·s, auteur·e·s et chercheur·euse·s. Son but est de favoriser les échanges entre résident·e·s, en accord avec l’évolution des pratiques artistiques.

Une mise en valeur des métiers d’art

La Villa Kujoyama a pour spécificité de faciliter les rencontres avec le milieu de l’artisanat japonais séculaire établi de longue date à Kyoto. Artisan·e·s d’exception spécialistes de la laque, de la teinture sur soie ou encore de la céramique partagent volontiers leur savoir-faire avec les résident·e·s. Lauréate 2024, l’artiste Ulla von Brandenburg compte ainsi documenter les ombres des objets kyotoïtes en les transposant sur des textiles à l’aide des techniques traditionnelles de teinture kyô yuzen ou de couture Boro – un moyen pour elle de réfléchir à sa manière d’habiter le monde.

L’élargissement de son programme de résidence aux métiers d’art était donc une évidence pour la Villa Kujoyama, et c’est chose faite depuis que la Fondation Bettencourt Schueller est devenue son principal mécène en 2014. Pionnière en la matière parmi les résidences artistiques d’excellence françaises, la Villa Kujoyama a ouvert la voie à l’inclusion de l’artisanat au sein de la Villa Médicis, de la Villa Albertine (États-Unis) et de la Casa de Velázquez (Espagne).

L’arrivée prochaine de résident·e·s aux profils issus des sciences naturelles et formelles participe de cet esprit d’ouverture et d’innovation qui anime la Villa Kujoyama et la pousse à soutenir des créations toujours plus ambitieuses et inattendues. 

Crédits et légendes

Rebecca Zissmann est une journaliste culturelle, spécialiste du Japon et basée à Paris.

Légende de l’image d’en-tête : Villa Kujoyama. Photographie de Kenryou Gu. © Villa Kujoyama

Publié le 7 novembre 2024.