« Je suis devenue artiste par accident. J’avais toujours voulu être cinéaste. »

« Ma première exposition personnelle, “Color Schemes”, au Whitney Museum of American Art en 1990 m’a ouvert la voie pour “devenir” artiste et j’ai été fortement soutenue par des commissaires d’exposition comme John Hanhardt, Cindy Furlong du Whitney, Jeanette Ingberman et Papo Colo d’Exit Art, qui m’ont offert une exposition personnelle pour Those Fluttering Objects of Desire (1992), œuvre ensuite incluse dans la Biennale du Whitney en 1993. Avec mes premières œuvres, j’ai développé un mode collaboratif avec des performeur·euse·s aux identités raciales et de genre diverses. Ma première œuvre, Color Schemes (1989), était une installation multimédia qui présentait trois machines à laver industrielles et 12 performeureuse·s de différentes origines ethniques. »

« En tant que cinéaste, j’ai présenté mon premier long métrage, Fresh Kill (1994), que j’ai qualifié d’éco-cybernoia, à la Berlinale, le Festival international du film de Berlin en 1994. J’ai migré vers le cyberespace peu après la sortie du film. Bowling Alley (1995) au Walker Art Center a marqué mon entrée sur le World Wide Web, en reliant une vraie piste de bowling du centre-ville de Minneapolis à une galerie du Walker et à un site web. Il y a ensuite eu Brandon (1998-1999), commandé et acquis par le Guggenheim Museum de New York, qui m’a ensuite décerné le titre de Pionnière du Net Art. Ces deux œuvres ont réuni des équipes d’ingénieur·e·s techniques, de designer·euse·s et de performeur·euse·s. C’est après Brandon que j’ai décidé de me consacrer au cinéma underground. Mon deuxième long métrage, I.K.U. (2000), présenté en avant-première au Festival du film de Sundance en 2000, m’a apporté une notoriété en tant que cinéaste culte du cyberpunk. »

« En 2001, j’ai conçu une série en trois volets intitulée “Locker Baby Project” (2001-2012), travaillant avec ME (données de mémoire et d’émotion). Dès 2002, j’avais commencé à élaborer un scénario post-krach d’Internet pour mes œuvres, comme Garlic=Rich Air (2002-2003). À cette époque, le Net Art était déclaré mort. En 2012, j’ai sorti un double long métrage – Composting the City / Composting the Net – où les déchets alimentaires et les déchets de données étaient régénérés. Les langages de programmation peuvent être mis à jour, les médiums numériques peuvent être améliorés, mais je reste attachée à ce qui me lie à des problématiques sociales, politiques et économiques, qui reviennent de façon récurrente. »

« Je continue d’explorer les tactiques de piratage, le virus comme résistance tactique, et l’agriculture geek comme moyen d’exploiter la terre, appelant à une nature en révolte. Je dois être très concentrée. J’ai mes propres trajectoires à suivre, mes propres cycles à poursuivre. Je n’ai jamais fait partie du monde de l’art, et pourtant je suis dans le cercle. »

« J’ai été acceptée comme artiste aux multiples facettes, une rebelle indomptable du piratage de genre et du décloisonnement des genres. Je suis bénie par les commissaires qui m’ont fait confiance pour plonger dans “l’inconnu”. Lorsqu’on me demande quel conseil je donnerais à un∙e jeune artiste, je réponds toujours : J’ai six casseroles qui cuisent sur le feu. Parmi ces six casseroles, certaines peuvent être présentées sur la table à manger avec des invité∙e∙s présent∙e∙s pour les apprécier. »

Crédits et légendes

La performance Hagay Dreamin, une collaboration entre Shu Lea Cheang et Dondon Hounwn sera présentée à la Tate Modern, Londres, les 13, 14 et 15 mars 2025.

Shu Lea Cheang
« Kiss Kiss Kill Kill»
Haus der Kunst, Munich
Jusqu’au 3 août 2025

Shu Lea Cheang est représentée par Project Native Informant (Londres).

Stephanie Bailey est curatrice en charge des Conversations d’Art Basel Hong Kong.

Traduction française : Art Basel.

Toutes les photographies par Jan Kräutle pour Art Basel.

Publié le 28 février 2025.