« L’art, pour moi, est existentiel. C’est ce qui me permet de maintenir un équilibre dans ma vie depuis que j’ai commencé une carrière dans la finance, il y a plus de 20 ans. »
« J’ai grandi en Autriche, mais j’ai passé la plus grande partie de ma vie d’adulte dans l’est de Londres, où j’ai été captivé par l’art que j’y ai découvert dans les rues. Un jour, je suis entré dans une petite galerie de Covent Garden qui s’appelle TomTom. Un street artist que j’admirais y présentait une exposition personnelle, et la plupart des œuvres n’avaient pas été vendues. J’ai ressenti un besoin très fort de vivre avec ce travail, alors j’ai pris sur mon salaire, qui à l’époque était modeste, pour acquérir quelques pièces. À la fin de cette même année, cet artiste a organisé une sorte de marché de Noël qu’il a appelé « Santa’s Ghetto » [« Le ghetto du Père Noël »], où il vendait des œuvres pour quelques centaines de livres chacune. J’ai investi la majeure partie de mes économies. C’était Banksy. »
« Ce fut la première de nombreuses occasions où j’ai été profondément attiré par un∙e artiste et où j’ai acquis ses œuvres indépendamment de sa renommée ou de leur valeur, ou du fait qu’il∙elle soit vivant∙e ou mort∙e. Je n’ai jamais collectionné l’art comme symbole d’un statut social. De nombreux∙ses artistes auxquel∙le∙s je me suis intéressé sont devenu∙e∙s célèbres par la suite, mais cela n’a jamais été mon objectif. À ce jour, je n’ai jamais revendu une seule œuvre. »
« Pendant que je construisais ma carrière, devenant Global Chief Operating Officer of Private Equity chez Blackstone, mon approche de la collection est restée intuitive et personnelle. Michel Majerus est devenu une obsession pour moi. Je suis un enfant des années 1990, et j’aime la même musique, la même esthétique, les mêmes jeux vidéo que lui. J’ai acquis tout ce que j’ai pu trouver de lui au cours des dix dernières années. Ma passion s’est encore accrue lorsque j’ai rencontré Thomas Bayrle, un autre artiste dont je collectionnais les œuvres depuis des années. Lorsqu’il m’a parlé de Michel Majerus et de leur projet de partager un atelier, beaucoup de choses ont commencé à faire sens. Aujourd’hui, plus de 20 ans après sa disparition, je pense que Michel Majerus est l’un∙e des artistes les plus influent∙e∙s de sa génération. »
« Je me décrirais comme un autodidacte en ce qui concerne mes choix artistiques et comme un enthousiaste à l’idée d’explorer de nouvelles directions, surtout lorsque ce que j’aime devient trop cher. Par exemple, lorsque les œuvres des street artists les plus important∙e∙s sont devenues inaccessibles, je me suis plongé dans la Pictures Generation, en particulier, les œuvres de Robert Longo, de Cindy Sherman et de Richard Prince, et les photographes du Japon comme Hiroshi Sugimoto, Nobuyoshi Araki, Ren Hang. Étant autrichien, j’ai une affinité particulière pour la riche histoire culturelle de mon pays et pour des artistes comme Birgit Jürgenssen, Maria Lassnig, Valie Export, Franz West, Gelitin, Christian Eisenberger, Angelika Loderer, Marina Faust et bien d’autres. »
« Pour moi, collectionner, c’est avant tout soutenir les artistes et les arts. Les artistes ont toujours fait partie de mon cercle d’ami∙e∙s, où que j’aie vécu, de Londres à New York et, actuellement, à Paris et à Vienne. Avec Jasper Sharp, je suis un partenaire fondateur de l’organisation philanthropique Phileas, basée à Vienne, qui soutient les artistes, les commissaires, les galeries et les institutions en Autriche, et travaille au renforcement de leur présence à l’international. J’ai toujours aimé créer des liens et présenter des artistes à leurs pairs, à des institutions ou à des galeries, ou encore soutenir des projets en tous genres et dans différentes parties du monde. J’ai par exemple été heureux d’accompagner la performance de Gelitin à O’Flaherty’s, à New York en 2023 ; l’espace est cogéré par Jamian Juliano-Villani, dont je collectionne également le travail. »
« Je veux pouvoir appréhender l’écosystème de l’art sous tous les angles, y compris institutionnel ; c’est pourquoi je me suis également engagé auprès du Director’s Fund de Max Hollein au Metropolitan Museum of Art [Met] de New York. Mais avant tout, j’écoute attentivement mes ami∙e∙s artistes. Cela mène parfois à une acquisition, comme lorsque José Parlá m’a suggéré de visiter la première grande exposition de la peintre cubano-américaine Carmen Herrera à Londres, il y a 12 ans, et que j’ai fini par acheter une œuvre importante des années 1970. »
« En 2023, ma famille et moi avons déménagé de New York à Paris. Paris est bien sûr magnifique et historiquement très importante pour l’art en général, mais elle est aussi devenue l’un des lieux les plus dynamiques pour l’art contemporain. Pour les artistes, c’est une ville qui reste plus abordable que Londres ou New York et qui bénéficie d’un nombre croissant de galeries internationales prêtes à les soutenir. La présence elle aussi de plus en plus importante de fondations influentes est un puissant catalyseur qui renforce toute la scène artistique et culturelle parisienne. Art Basel Paris a également joué un rôle majeur, et avec la réouverture du Grand Palais, la foire embrasse ce moment charnière. »
« L’an dernier, je suis devenu partenaire de Parallel Vienna, un hybride entre foire d’art, plateforme d’exposition et ateliers d’artiste. Sont proposées des expositions de galeries commerciales, d’espaces alternatifs ou d’associations artistiques, ainsi que des présentations individuelles d’artistes sélectionné∙e∙s, dont beaucoup ne sont pas représenté∙e∙s par des galeries. Parallel se déroule dans des lieux fascinants, le plus souvent des bâtiments vides tels que des hôpitaux ou des théâtres. C’est un format non conventionnel qui est salué et accueilli par la communauté artistique depuis plus de 10 ans. C’est également pour moi une autre manière de passer plus de temps dans le monde de l’art, de continuer à soutenir la carrière des artistes et à contribuer au développement de la riche scène culturelle viennoise. »