Le jeune peintre français met en scène les grands mythes – et les grandes questions – dans l'œuvre Parade, présentée actuellement à Lafayette Anticipations à Paris

Elsa Coustou

Les visions spirituelles de Pol Taburet

Pol Taburet dépeint des instants de désir, d’effroi et de menace. Ses personnages que notre regard surprend dans leur intimité nous interpellent, faisant de nous tour à tour des témoins ou des intrus∙e∙s.&nbsp;Parade (2022) a été créée en diptyque avec Out the Womb (2022) pour le Dhaka Art Summit 2023, et pensée autour du personnage de Bonna – un mot qui signifie inondation en bengali. Centrée autour de la thématique du changement climatique, l’œuvre illustre la fascination de l’artiste pour les récits, les objets et les figures – humaines ou animales – qui font rencontrer les mondes du tangible et ceux du spirituel et du fantasmé.

C'est l’image d’une rencontre : deux figures noires, dont l’une est déjà à moitié hors de la toile, se déplacent bras levés, main dans la main, vers un point hors cadre. Le paysage qui les entoure est composé de quatre éléments : un ciel outremer et un champ vert gazon s’étendent vers l’horizon et sont coupés d’un chemin rouge sang bordé de touches brillantes, tel un tapis rouge hollywoodien, et d’une ouverture semblable à une porte donnant sur un fond jaune, elle aussi ceinte d’éclats lumineux. Ceux-ci donnent au paysage une préciosité, une aura qui le rend hors du commun et mystérieux.

Parade est née du souvenir d’une scène du film musical de Marcel Camus, Orfeu Negro, Palme d’Or au Festival de Cannes de 1959, qui replace le mythe grec d’Orphée et Eurydice dans le contexte brésilien du Carnaval de Rio. L’euphorie et les couleurs du carnaval, le rythme de la bossa nova et des danses, l’amour infini du couple au destin tragique se retrouvent dans l’œuvre de Pol Taburet. Les deux corps féminins semblent esquisser un pas de danse dans un mouvement d’exaltation, leurs chevelures sont ornées de parures colorées et scintillantes, et leurs visages semblent masqués, comme si elles étaient en route pour une cérémonie ou un rituel.

Dans le mythe, lorsqu’Orphée se rend aux Enfers pour sauver Eurydice et la ramener avec lui sur terre, il a pour condition de ne pas la regarder, sinon il la perdra à jamais. Dans ce contexte, les deux figures de Parade
apparaissent vouées à une séparation irrémédiable : situées dans deux espaces différents sur la toile, elles appartiennent déjà à deux mondes différents. Le jeu de regards devient un agent essentiel de l’action dramatique : tandis que la figure centrale nous fixe droit dans les yeux, celle de gauche la regarde, comme Orphée qui ne pourra se retenir d’admirer Eurydice, précipitant ainsi leur séparation à jamais.

Le paysage devient ainsi celui des Enfers : la figure centrale, en équilibre sur la pointe du pied gauche, semble se brûler en tentant de traverser la rivière Styx tandis que son pied droit est effacé, comme par un processus de métamorphose : ce personnage est-il en train de quitter les Enfers, ou d’y entrer ? Au seuil de deux mondes, ces deux figures symbolisent la vie et la mort, couple que Pol Taburet représente dans plusieurs tableaux de 2022. Complices, amantes et joyeuses, ces deux puissances obscures qui mettent en mouvement l’univers, les choses visibles et invisibles, sont ici prises dans un instant de basculement qui pourrait être celui de leur union, tout autant que celui de leur séparation à jamais. 
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Pol Taburet est représenté par&nbsp;<a href="https://www.artbasel.com/catalog/gallery/1340/Balice-Hertling" target="_blank">Balice Hertling</a> (Paris) et&nbsp;<a href="https://www.artbasel.com/catalog/gallery/1214/Mendes-Wood-DM" target="_blank">Mendes Wood DM</a> (São Paulo, Bruxelles, New York).
Pol Taburet « OPERA III : ZOO “The Day of Heaven and Hell”&nbsp;» Lafayette Anticipations – Fondation Galeries Lafayette, Paris Jusqu’au 3 septembre 2023 
Elsa Coustou est commissaire d’exposition et coordinatrice du programme public, Lafayette Anticipations – Fondation Galeries Lafayette, Paris.
Publié le 21 juin 2023.
Légende des images en pleine page, de haut en bas :&nbsp;1. Pol Taburet, Parade, 2022. Avec l’aimable autorisation de l’artiste et de&nbsp;Mendes Wood DM. Photographie de&nbsp;Kristien Daem. 2. Pol Taburet, Jumping out the womb like my daddy is the devil, 2022. Avec l’aimable autorisation de l’artiste et de Balice Hertling, Paris. Photographie de Jiayun Deng. 3. Pol Taburet, Götterspeise, 2021. © Avec l’aimable autorisation de l’artiste, de&nbsp;Balice Hertling, Paris,&nbsp;et C L E A R I N G, New York/Brussels. Photographie de Martin Elder.

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Artists

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Parade, Pol

Womb

Pol, Turf

Götterspeise

P5 crédits

H2 - Headline title

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The young French artist brings great myths – and great questions – to life in his painting Parade, currently on view at Lafayette Anticipations in Paris

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