David Lebovitz (chef et auteur de livres de cuisine)
Quel est votre premier souvenir de Paris ?
Ma première impression, en sortant de la gare, a été l’émerveillement face à la beauté de tout ce qui m’entourait. À l’époque, j’avais passé un an à parcourir l’Europe en sac à dos après l’université, mais dès mon arrivée à la gare de l’Est, je me souviens avoir été saisi par le charme de Paris. J’étais également fasciné par le nombre de boulangeries, qui étaient à chaque coin de rue, ainsi que par les incroyables chocolateries. C’est drôle parce qu’à l’époque, je n’aurais jamais imaginé y vivre un jour... et pourtant, aujourd’hui c’est le cas !
Quel est votre endroit préféré pour le petit-déjeuner ?
Mon endroit préféré pour le petit-déjeuner est notre jardin, avec mon partenaire Romain. L’été, c’est idéal sous le figuier, qui offre non seulement beaucoup d’ombre, mais aussi une abondance de figues fraîches et dodues, dont je fais de la confiture pour accompagner beaucoup de nos petits-déjeuners.
Si je sors, j’aime m’arrêter au Café Méricourt, qui propose une délicieuse shakshuka, un plat nord-africain composé d’œufs cuits dans une sauce tomate épicée (il existe également une version végétale avec de nombreux légumes), ainsi qu’un excellent café. Un autre lieu de prédilection est Chambelland, une boulangerie sans gluten qui propose les petits pains les plus délicieux, appelés « Chambellines », mon préféré étant celui en croûte de sucre parfumé à l’eau de fleur d’oranger et aux pépites de chocolat.
Que cuisinez-vous lorsque vous recevez des invité∙e∙s à Paris ?
Je prépare toujours un grand plateau d’aïoli. La plupart des visiteur∙euse∙s prennent leurs repas au restaurant, ce qui est agréable, mais ensuite, il∙elle∙s manquent de légumes et de salades. Alors, je vais chercher un bel assortiment de légumes à Terroirs d’Avenir, qui a d’excellents produits, comme des radis, des pommes de terre, des haricots verts, des tomates cerises, et peut-être un peu de fenouil, pour les couper en croissants croquants, et je les dispose sur un grand plateau. J’ajoute quelques œufs durs fermiers que je sers avec des anchois et du poivre noir concassé, et je prépare un aïoli avec mon mortier et mon pilon, pour que les invité∙e∙s puissent y tremper tout ce qu’il∙elle∙s veulent. Si je pense que la tablée souhaitera quelque chose d’un peu plus consistant, je vais chercher un poulet rôti chez mon boucher local. Même s’il n’est pas traditionnel de servir du poulet rôti avec un grand aïoli, personne ne semble s’en formaliser, surtout s’il y a beaucoup de rosé pour arroser le tout.
Quel est votre meilleur conseil pour les visiteur∙euse∙s ?
Restez dans le même quartier et retournez aux mêmes endroits. Contrairement à d’autres villes, Paris est essentiellement un ensemble de villages, chaque quartier ayant sa propre personnalité et son propre charme. Les Parisien∙ne∙s ont la réputation, un peu méritée, de ne pas avoir beaucoup de patience pour les choses (ou les personnes) qui ne leur sont pas familières. Ainsi, la première fois que vous entrerez, par exemple, dans une fromagerie, un café ou un restaurant, l’accueil sera plus formel et un peu superficiel. Mais si vous revenez, il∙elle∙s se souviendront de vous et vous serez reconnu∙e comme un∙e « habitué∙e », et si vous montrez de l’intérêt pour ce qu’il∙elle∙s vendent, comme dans une fromagerie ou une chocolaterie, il∙elle∙s passeront plus de temps avec vous.
Si vous voulez goûter à une tranche de la vie quotidienne parisienne, allez dans des quartiers comme le 9e ou le 11e. Les marchés du jeudi et du dimanche à la Bastille (dans le 11e), ou le Marché d’Aligre (dans le 12e) font partie de mes préférés.
Gisela McDaniel (artiste)
Quelle œuvre d’art représente le mieux Paris ?
J’adore explorer les petites galeries, me promener dans les rues et me rendre au Centre Pompidou et ses alentours. J’ai été particulièrement ravie de découvrir la fontaine de Niki de Saint Phalle [Jean Tinguely et Niki de Saint Phalle, Fontaine Stravinsky, 1983] à Beaubourg. Elle sera toujours l’une de mes artistes préférées ; son travail me donne le sentiment de trouver la joie dans l’obscurité et de surmonter les moments difficiles par l’acte de création.
J’ai également été émue par les expositions du Palais de Tokyo, en particulier celles qui mettent en lumière les manifestations passées et présentes en tant que déclarations de résistance à l’oppression. Elles sont particulièrement pertinentes au niveau local et mondial.
Qu’est-ce que le mot « Paris » évoque pour vous ?
Quand je pense à Paris, je pense à la naissance du « primitivisme » et à ses liens avec la colonisation du Pacifique, y compris la répression en Kanaky (Nouvelle-Calédonie). Je réfléchis à l’histoire des rues et des musées, et à la manière dont ceux∙celles qui les ont parcourus et y ont contribué ont influencé l’histoire de l’art. J’observe également la manière dont tous ces objets volés ont influencé l’histoire de la ville et de la France en tant que nation. Ces échanges asymétriques entre les lieux et les personnes, les objets culturels et les pratiques, consensuels ou non, laissent de puissantes traces de résistance et des témoignages de survie.
Qu’est-ce que vous ne pouvez faire qu’à Paris ?
Découvrir un peu de la ville qui a façonné la sensibilité esthétique de Gauguin et, à mon tour, jeter mon propre regard critique et contemporain et apprécier les gens et le lieu comme un acte décolonial.
Et aussi : manger, boire, faire du shopping, observer, flâner dans les musées, sentir les fleurs, faire une pause baguette sans gluten, rire avec des ami∙e∙s, danser sur la Seine - tout cela en une seule nuit !
Où trouvez-vous votre inspiration à Paris ?
La combinaison fluide et frénétique des personnes et des lieux me surprend et me ravit. J’ai eu beaucoup de plaisir à faire poser des gens pour peindre des tableaux et à les interviewer sur leur vie. C’est une façon très intime et spéciale de connaître la ville telle qu’elle existe au présent, ainsi que ses habitant∙e∙s. En d’autres termes, le cœur des gens : ce qui compte pour elles∙eux, ce qui les met en colère, ce qui les fait rire, qui il∙elle∙s sont. Tou∙te∙s font partie du puzzle qui constitue Paris aujourd’hui. Et les musées, que j’apprends encore à connaître, sont fabuleux et inépuisablement inspirants.
Peter Freeman (galeriste)
Qu’est-ce qui vous manque le plus lorsque vous êtes loin de Paris ?
M’asseoir dans le jardin du Palais-Royal, y boire un café et lire mon journal – à tel point que j’ai trouvé un espace de galerie rue de Montpensier, à l’une des entrées du jardin.
Quelle est la chose la plus folle que vous ayez entendue ou vue dans les rues de Paris ?
Probablement le Pont Neuf enveloppé par Christo en 1985 - il y a 40 ans déjà (!), mais toujours frais, surprenant et parfait, un vrai cadeau pour la ville, et un souvenir chaque fois que je traverse le pont.
Quelle personnalité incarne le mieux Paris, à vos yeux ?
Chaque Parisien∙ne, le matin, ramenant sa baguette de sa boulangerie pour le petit-déjeuner.
Où allez-vous pour une sortie culturelle ?
La salle de lecture Labrouste de la bibliothèque de l’INHA (Institut national d’histoire de l’art) - un espace extraordinaire, aujourd’hui impeccablement rénové, avec une commande à l'abri des regards de l’artiste français Dove Allouche.
Justine Durrett (directrice de David Zwirner Paris)
Où vous sentez-vous le plus chez vous ?
J’ai vécu à Genève, à New York et maintenant à Paris au cours des cinq dernières années. Je dois dire que les appartements parisiens sont les plus charmants !
Qu’est-ce qui fait un∙e vrai∙e Parisien∙ne ?
Je suis accro aux lunettes de soleil et j’adore les crêpes du Breizh Café... Est-ce que je réponds aux critères ?
Selon vous, qui a le mieux peint Paris ?
Manet - pas seulement Paris mais l’esprit de la vie parisienne. Un bar aux Folies-Bergère (1881) est l’un des premiers tableaux que j’ai étudiés et dont je suis tombée amoureuse en cours d’histoire de l’art.
Pouvez-vous nous révéler l’un de vos joyaux cachés dans la ville ?
Le musée des Arts et Métiers, qui est un musée de design industriel, d’instruments scientifiques et d’inventions. Sa collection va des premiers avions aux presses à imprimer, en passant par les métiers à tisser, les boîtes à musique, les ordinateurs et même une version originale du pendule de Foucault. Le bâtiment est une magnifique ancienne abbaye du 3e arrondissement.
Robbie Fitzpatrick (galeriste)
Où sortez-vous à Paris ?
Je reste généralement dans mon quartier du Haut-Marais, où une soirée commence par un apéritif post-travail à la terrasse d’un café proche de la galerie : Café de la Poste, Le Progrès, La Perle, Serpent à Plume, La Chope des Artistes...
Qui seraient les invité∙e∙s de votre dîner idéal ?
Si mon français s’améliorait considérablement et que je disposais d’une machine à remonter le temps, voici une liste de quelques Parisien∙ne∙s avec lesquels je pourrais imaginer un dîner revigorant : Guillaume Apollinaire, Elsa Schiaparelli, Salvador Dali, Agnès Varda, Georges Méliès, Jacques-Yves Cousteau, Jean Cocteau, Hervé Guibert, Jacques Derrida, Dalida, L’Inconnue de la Seine.
Où se trouvent les meilleures boutiques ?
Paris possède quelques-unes des meilleures boutiques vintage, dont beaucoup se trouvent à proximité de la galerie. Parmi mes préférées : Nice Piece, Gaijin, Pretty Box, Plus que parfait, Skat Vintage.
Quels sont vos musées préférés à Paris ?
Le Musée d’Orsay, le Musée Gustave Moreau et le Musée d’Histoire de la Médecine.