<p>L'artiste français nous plonge au cœur de son dernier film, présenté cet automne au Collège des Bernardins</p>

Propos recueillis par Matthieu Jacquet

Morceau choisi : Anima de Laurent Grasso

<p>« J’ai été invité par le Collège des Bernardins à y présenter une exposition dans le cadre de la chaire Laudato si’, consacrée à l’écologie et portée par l’historien de l’environnement Grégory Quenet, avec lequel j’ai déjà travaillé sur plusieurs projets. Si l’ensemble de cette exposition résonne avec l’établissement et son architecture, mon film <em>Anima</em> [2022] en est le point d’ancrage. En croisant des recherches scientifiques et géobiologiques sur les “zones critiques” – expression qui désigne la pellicule la plus externe de notre planète, s’étendant des roches à l’atmosphère –, je me suis intéressé à un lieu particulier, le mont Sainte-Odile. Au cœur des bois qui bordent cette éminence située en Alsace, non loin de la région où j’ai grandi, nous avons découvert l’existence d’un mur païen de 11 kilomètres de long. À travers les siècles, toute l’incertitude autour de cet édifice a agrégé de nombreuses croyances et de rituels qui m’ont inspiré la réalisation d’une vidéo. »</p>

<p>« Pendant une quinzaine de minutes, on aperçoit un homme marcher le long du mur dans une forme d’errance au cours de laquelle il fera plusieurs rencontres : individus captant les vibrations du lieu, renard au passage fugace, étincelles de feux surgissant au milieu des arbres et nuages flottant dans les clairières. Tous ces éléments composent une fiction onirique sans dialogue où l’humain, l’animal et le végétal, le vivant et le non-vivant se retrouvent au même plan dans un nouvel écosystème, habité par les histoires de ce site empli de mystères. À l’image de mes autres films, cette œuvre ne suit pas de parcours linéaire : ses plans qui suivent lentement l’avancée du personnage, sa bande sonore composée par Warren Ellis et son montage hypnotique nous plongent dans un parcours labyrinthique, qui part d’une forêt de conifères pour immerger peu à peu le spectateur dans un territoire imaginaire. »</p>

<p>« Le film s’intitule <em>Anima</em> pour renvoyer au souffle premier, celui qui traverse tous les éléments réunis ici tel leur esprit commun et impalpable. À l’instar des autres projets, où Grégory Quenet a agi en tant que conseiller et m’a mis en lien avec son réseau de chercheur∙euse∙s, celui-ci a occasionné de nombreuses rencontres et études de terrain, mais, pour autant, l’œuvre d’art ne vient jamais illustrer la théorie. Je cherche davantage à mobiliser les savoirs scientifiques et parascientifiques pour proposer une expérience libre, dont la singularité parviendra idéalement à captiver le spectateur et le faire réfléchir. Projeté sur un écran LED dans la dernière salle de l’exposition au Collège des Bernardins, le film y adoptera d’ailleurs une dimension sculpturale. À mes yeux, le décor naturel où il a été tourné résonne avec la forêt de colonnes du bâtiment cistercien historique, où j’accrocherai des peintures qui reprennent des éléments présents dans la vidéo. »</p>

<p>« En tant qu’artiste, mon ambition principale est d’inventer des “machines” à travers lesquelles regarder le monde de manière nouvelle et poétique. Évidemment, toutes mes œuvres sont irriguées par le contexte politique et environnemental actuel qui s’impose à nous. Après avoir réalisé des projets aux quatre coins du monde, de l’Australie au Japon, <em>Anima</em> m’a permis de revenir à une échelle plus locale, où il est aussi possible de faire émerger un monde qui paraisse inédit au public. C’est là tout l’intérêt d’un tel film : partir du concret pour créer une capsule fictionnelle ouverte à toutes les interprétations, dans laquelle chacun∙e&nbsp;pourra évoluer et se projeter à sa guise sans qu’un message trop direct ni univoque ne vienne contraindre sa lecture. »</p><p>Journaliste et critique d’art, Matthieu Jacquet écrit sur l’art et la mode pour <em>Numéro </em>et <em>Numéro art</em>.</p><p>Laurent Grasso<br />« Anima »<br />Du 14 octobre 2022 au 18 février 2023<br />Collège des Bernardins, Paris</p><p>Photos et vidéos&nbsp;: Laurent Grasso, <em>Anima</em>, 2022, film HR (en cours). Musique : Warren Elllis.&nbsp;Avec l'aimable autorisation de Laurent Grasso et de l'ADAGP, Paris, 2022.</p>

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L'artiste français nous plonge au cœur de son dernier film, présenté cet automne au Collège des Bernardins 

Expositions

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The French artist plunges us into the heart of his latest film, presented this fall at the Collège des Bernardins

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