À coup d’aphorismes, l’autodidacte invite les visiteur·euse·s de son exposition à s’aventurer dans son esprit labyrinthique

Anaël Pigeat

L’artiste Ndayé Kouagou ouvre de nouvelles perspectives au Plateau du Frac Île-de-France

« Welcome Back » : Ndayé Kouagou aime les phrases qui claquent. Efficaces. Provocantes. Drôles. Un peu tendres, parfois. Celle-ci est écrite en grosses lettres à l’entrée du Plateau du Frac Île-de-France et accueille les visiteur·euse·s de son exposition « A Change of Perspective ». Sur Instagram, son pseudo, lui aussi, interpelle : « youngblackromantics » – il en a fait un projet d’édition.
Pourtant, l’art de Ndayé Kouagou n’est pas tellement romantique : il secoue les regardeur·euse·s. Cette étoile montante de l’art contemporain, très en vue ces derniers temps sur la scène parisienne, a déjà exposé chez Lafayette Anticipations en 2018, ainsi qu’à la Fondation Louis Vuitton en 2023. Cet automne, l’artiste investit le Plateau du Frac Île-de-France, invité par sa nouvelle directrice, Céline Poulin, qui signe sa première exposition. Un manifeste en quelque sorte, le début d’une nouvelle ère, comme l’indique sans ambiguïté le titre de l’exposition.

« Ndayé Kouagou pense ses œuvres en fonction de ce qu’elles produisent chez l’autre : un principe que je partage, car j’ai toujours conçu mes expositions en fonction de leur réception. La question de l’adresse est toujours centrale », explique Céline Poulin. Ici, pourtant, Ndayé Kouagou va plus loin. Le·la visiteur·euse est invité·e à participer, à co-créer l’exposition qui se présente comme un véritable jeu de piste. Le début de la visite donne le ton : une grande table est jonchée de crayons et de feutres, et des feuilles sont punaisées sur le mur tout autour. Il s’agit d’un atelier de pratiques libres, destiné à inviter d’emblée un public le plus large possible à entrer dans le jeu de l’exposition. 
Autodidacte, Ndayé Kouagou a étudié le marketing avant de travailler dans la mode. Pendant la pandémie, il décide de se consacrer à l’art. Chez lui, tout commence par l’écriture, une écriture de l’intime centrée sur l’amour. Il a d’abord lu ses textes sous la forme de performances, puis les a transformés en vidéos dans lesquelles il apparaît, vêtu de costumes dessinés spécialement pour lui par la styliste Ally Macrae : un ensemble à dos nu jaune poussin, les armatures d’une crinoline portée à hauteur de genoux…

« Where to go and how to get there? » : c’est l’une des questions que pose la première installation, intitulée Le Choix (2023). Sous l’écran, le mur est tapissé d’un papier peint portant l’inscription « Good People TV ». La conversation est lancée, puis Ndayé Kouagou nous invite dans son coin. « Will you feel comfortable in my corner? », demande-t-il. Le·la visiteur·euse peut ensuite choisir son chemin : « Si tu es à l’aise et que tu veux rester, rends-toi dans “III.a Le Monde”. Si tu n’es pas à l’aise, rends-toi dans “III.b Le Changement” ». Comme s’il s’agissait d’un manifeste, là encore, Ndayé Kouagou a fait doubler sa voix par celle d’une femme, Pascale Clark, l’une des voix de France Inter. « Il écrit souvent en anglais, pour avoir plus de distance avec son propos. Il a choisi de faire faire ce doublage, car il voulait une voix douce, que l’on reconnaisse, pour créer un sentiment d’intimité », explique Céline Poulin.

Ainsi progresse l’exposition, de vidéo en vidéo. Des thèmes apparaissent, au cœur des préoccupations contemporaines : « Je crois en l’oralité », dit encore Ndayé Kouagou. Celles et ceux qui sont à la recherche d’un moment d’introspection risquent de se prendre les pieds dans ces boucles rhétoriques. L’humour qui se dégage de l’expérience apporte une autre forme de réflexion. Car Ndayé Kouagou se moque beaucoup de nous : « Il se sert de techniques de marketing très efficaces, qui dégagent même une certaine violence, mais qu’il utilise pour autre chose que pour vendre. Il ne veut surtout pas être convaincant. Et il nous oblige à nous positionner, à rejeter l’autorité par l’ironie. La vidéo qu’il présentait à la Fondation Louis Vuitton s’intitulait d’ailleurs The Guru (2023) », ajoute Céline Poulin.
Ndayé Kouagou souligne la complexité des êtres et des choses. Le raisonnement tourne en rond, vire à l’absurde, les questions restent sans réponse. « But do you even know what the question is? ».
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Ndayé Kouagou « A Change of Perspective&nbsp;» Frac Île-de-France - Le Plateau, Paris Jusqu’au 18 février&nbsp;2024 
Anaël Pigeat est critique d’art, editor-at-large du mensuel The Art Newspaper, journaliste pour Paris Match et commissaire d’exposition. 
Légende des images en pleine page&nbsp;:&nbsp;Ndayé Kouagou,&nbsp;A Coin is a Coin&nbsp;(capture vidéo), 2022 © Ndayé Kouagou. 
Publié le 13 décembre 2023.

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In his current exhibition at Le Plateau, the self-taught artist invites visitors to enter his labyrinthine mind

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