Le football et la télévision sont de ces choses qui fédèrent universellement. Nadjib Ben Ali, né en 1994 à Paris, diplômé de l’École supérieure d’art et design de Saint-Étienne en 2019, peint l’un et l’autre, et se place ainsi à l’exacte intersection entre les émotions humaines de toujours et leur reproduction médiatique au 21^e siècle.

L’artiste réalise des captures d’écran de matchs de football professionnel, alimentant ainsi une bibliothèque de plans. Il utilise ensuite une technique singulière pour en retranscrire l’aspect moiré : des crayons de peinture, créés en entourant des bâtons de pistolet à colle de tissu synthétique, sont plongés dans des pigments acryliques. En résulte sa patte caractéristique, semblable à des coups de feutre fluo rose, jaune, violet ou vert.

Au fil de grands formats qui engloutissent le·la regardeur·euse, Nadjib Ben Ali traduit la chorégraphie épique des joueurs ou isole un détail poignant, comme une nuque tendue ou un visage enfoui dans les mains. L’artiste accorde la même attention à la signalétique qui, parfois, absorbe la figure, à l’instar des maillots floqués ou des chaussures siglées.

Sa peinture déhiérarchisée rappelle aussi bien les icônes rock de Nina Childress, les portraits évanescents de Marlene Dumas et les abstractions géométriques de Sarah Morris. Chez Nadjib Ben Ali, tout est exacerbé car tout doit pouvoir être retransmis. De la gestuelle dramatique à la colorimétrie acide, une folle course à la visibilité s’enclenche. Cependant, celle-ci n’étouffe jamais tout à fait une humanité à fleur de peau : l’artiste nous en fournit les indices iridescents.