<p>Dans une œuvre récente actuellement exposée au Palais de Tokyo, l’artiste et écrivaine combine une multitude de références&nbsp;pour évoquer les moments éphémères de la vie</p>

Moyra Davey

Moyra Davey : Quelques commentaires sur « Visitor »

<p>J’ai toujours admiré les photographes/artistes, comme&nbsp;<a href="https://www.artbasel.com/catalog/artist/8115/Francesca-Woodman">Francesca Woodman</a>&nbsp;et Mark Morrisroe, qui écrivent directement sur leurs photos. Woodman griffonnait des mots à l’encre et au stylo en-dessous des images, tandis que Morrisroe, qui semblait s’être lassé de retoucher ses tirages couleur, laissait son pinceau divaguer dans les marges [de ses photographies] et y déposer des touches bariolées, des mots.&nbsp;<a href="https://www.artbasel.com/catalog/artist/8434/David-Wojnarowicz">David Wojnarowicz</a>&nbsp;a intégré des fragments de journal à nombre de ses œuvres photographiques, en particulier les photomontages des&nbsp;«&nbsp;Sex Series (pour Marion Scemama)<em>&nbsp;</em>»<em style="background-color: initial;">. </em>Hervé Guibert, écrivain et photographe, associait lui aussi des commentaires écrits à plusieurs de ses photos, et il a conçu le livre <em style="background-color: initial;">Susanne et Louise</em> – à propos de ses tantes – qui s’accompagne d’un long texte écrit à la main.</p>

<p>J’ai appliqué toutes sortes de traitements non conventionnels à mes tirages, mais le geste d’écrire sur la photographie m’a toujours échappé, et avec <em style="background-color: initial;">Visitor</em> (2022), c’est la première fois que je trouve une façon d’associer langage et image. C’est parti d’une transcription spontanée, le verbatim d’une conversation entre un père et son fils dans une unité de soins intensifs, le lendemain d’un terrible accident de voiture. Le fils, B., avait été gravement blessé – il avait plusieurs vertèbres du cou brisées, une plaie à la tête, il avait pris de puissants opiacés – mais il était tout de même extrêmement lucide, il avait envie de parler, notamment de certaines choses qu’il avait sur le cœur. La discussion portait principalement sur les médicaments qu’on lui donnait – morphine et Fentanyl – et sur d’autres drogues, festives, celles-là. Il voulait pointer du doigt ce qu’il percevait comme une forme d’hypocrisie, de jugement deux poids deux mesures, dans le rapport aux substances tel qu’il existait dans la dynamique familiale.</p>

<p>La transcription est rédigée de ma propre main. Quand la conversation a commencé, j’ai attrapé un petit carnet et rapidement noté ce que j’entendais, donc il y a des erreurs, des lettres et des mots manquants. J’ai intercalé quelques commentaires, mais c’est pour l’essentiel un texte que je reçois, qui échappe à mon contrôle, et c’est quelque chose qui a de la valeur pour moi, cet aspect en quelque sorte <em>ready-made</em> du texte.</p><p>Quand mon fils était en dernière année de lycée, il a suivi un cours de photographie noir et blanc, et en guise de devoir, il a un jour recréée&nbsp;<em>Sienne</em> (1979) d’Hervé Guibert – la photo d’un jeune homme, la tête posée sur une table, le dos baigné de soleil, un halo de fumée planant au-dessus de lui. B. a demandé à son ami Eric de lui servir de modèle – le même Eric qui figure sur mes propres photos cinq ou six ans plus tard, les cheveux longs, vêtu d’un tee-shirt des Supremes.</p>

<p>J’ai beaucoup pensé à Hervé Guibert en travaillant sur <em>Visitor</em>. La vitrine de la pharmacie Downer’s [à New York], une enseigne d’une autre époque, me rappelait ses nombreuses photos de vitrines de musées d’histoire naturelle. Et quand je fais des portraits de jeunes hommes en lumière naturelle, je pense toujours à mes prédécesseur∙rice∙s dans ce genre –&nbsp;<a href="https://www.artbasel.com/catalog/artist/8424/Peter-Hujar">Peter Hujar</a>&nbsp;et Hervé Guibert arrivent au sommet de la liste.</p><p>Une partie de l’installation conçue pour « Exposé∙es », au Palais de Tokyo, reprend des tirages sélectionnés dans les archives d’Hervé Guibert, et dix d’entre eux sont accrochés en face de <em style="background-color: initial;">Visitor</em>. Les outils de l’art de Guibert occupent une place centrale dans deux de ces images : ses négatifs et planches contact, pour l’une, et un magnétophone, une machine à écrire et un stylo à plume, pour la seconde. À partir des outils représentés ainsi, et de matériaux optiques et graphiques, Hervé Guibert créait ces associations de textes et d’images qui influencent depuis toujours mon imaginaire photographique.</p>

<p>Moyra Davey est une artiste et écrivaine canadienne basée à New York. Elle&nbsp;est représentée par&nbsp;<a href="https://www.artbasel.com/catalog/gallery/1076/Galerie-Buchholz">Galerie Buchholz</a> (Berlin, Cologne, et New York) et&nbsp;<a href="https://www.artbasel.com/catalog/gallery/1564/greengrassi">greengrassi</a> (Londres).</p><p>‘Exposé∙es’<br />Palais de Tokyo, Paris<br />Du 17 février au 14 mai 2023</p><p>Traduction francaise: Marguerite Capelle.</p><p>Publié le 3 avril 2023.</p>

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Dans une œuvre récente actuellement exposée au Palais de Tokyo, l’artiste et écrivaine combine une multitude de références pour évoquer les moments éphémères de la vie

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stèle avec lune

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In a recent work presented at Palais de Tokyo, the artist and writer combines a multitude of references to conjure the uncanny texture of fleeting moments

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