« Je me souviens, quand j’étais petit, d’un voyage en voiture avec ma grand-mère. J’adorais dessiner, et elle aimait les éléphants. Alors, j’ai dessiné un éléphant, assis à l’arrière. J’étais complètement absorbé par ce que je faisais. Quand je suis sorti de la voiture pour lui montrer mon dessin, elle m’a dit : “Tu as fait ça ? Pendant qu’on roulait ?” »
« Vers 9 ou 10 ans, j’ai vraiment voulu prendre des leçons d’art. Ma mère était très contrariée de constater que le système scolaire public n’en proposait pas à tou·te·s les élèves. Ce n’était pas une question d’accès en termes financiers, c’était juste la manière dont l’école était organisée. Elle m’a alors inscrit à des cours privés, qui se déroulaient à l’arrière d’un magasin d’encadrement. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à peindre, à explorer différents mediums et à apprendre à vraiment observer une image, à la rendre en trois dimensions. »
« En parallèle, mon père était passionné de voitures. Il avait une Chevy Nova dans laquelle il nous emmenait faire des tours. Quand j’étais au collège, on allait voir des courses de dragsters ensemble. À ce moment-là, je me suis dit : “Wow, le bruit de ces voitures, leur vitesse, l’ingénierie derrière tout ça !” C’est quand j’ai découvert le design automobile – une profession où on peut créer ce qu’on veut, réfléchir à la forme et à l’esthétique, à la fonction et à l’utilité, et à comment les machines interagissent avec l’utilisateur·rice et le corps – que j’ai pu relier les deux. »
« Je n’avais pas encore les mots pour l’exprimer, mais c’est alors que l’idée d’être multidisciplinaire a commencé à germer en moi, et c’est ce que j’ai appris au College for Creative Studies à Detroit. »
« Pendant mes études, je me préparais à devenir designer automobile et me rapprochais de cette industrie. Mais j’ai vite réalisé que ce n’était pas à ça que je voulais consacrer ma vie. Je voulais plus de liberté de création. Je voulais être artiste. Avec quelques camarades, nous avons loué un espace dans un immense entrepôt, le Russell Industrial Center. Ça a été trois ans de partage d’atelier, et c’était incroyable : c’était un lieu pour les projets et les expositions, une sorte de collectif artistique. »
« La musique a également joué un rôle crucial pour moi. J’ai commencé à prendre conscience de l’autre dimension du processus : il ne s’agit pas juste de faire. J’ai compris qu’il y a aussi un “muscle” lié à l’observation. Ce qui est important, c’est d’écouter. C’est ainsi que je parviens à appréhender le monde. Pour comprendre où l’on se situe, si quelque chose peut être perturbé, comment donner du sens à une situation, il faut être attentif·ve. Les groupes jouent beaucoup mieux quand les musicien·ne·s s’écoutent les un·e·s les autres sur scène. Ce n’est qu’à Yale que j’ai commencé à voir la musique et l’art comme un tout, ce qui a mené à des projets et à des idées importantes sur lesquels je travaille actuellement. »
« Dernièrement, la famille est devenue essentielle dans mon travail. Cet élément prend sa source dans ce que j’ai vécu en Virginie, quand je faisais la cueillette du coton sur des propriétés. J’ai aussi eu un enfant. Comment donner un sens à tout ça ? Je ne sais pas. Être parent est une aventure mystérieuse et magnifique à vivre et à regarder. Je ne cherche pas à créer une réponse formelle à sa présence, mais ce que je sais, c’est qu’une fois parent, on se bat un peu plus pour l’amour, pour la bienveillance, pour la sensibilité. Ça ouvre une nouvelle perspective sur la manière d’exister au monde. »