Avec diverses foires et l’ouverture d’expositions muséales exceptionnelles, octobre est le mois de l’année où Paris voit affluer le monde de l’art. L’automne est également pour les galeries le moment idéal pour présenter leurs artistes les plus brillant∙e∙s et les plus passionnant∙e∙s, et 2024 ne fait pas exception à la règle. Voici une sélection de six expositions à voir dans des galeries parisiennes durant Art Basel Paris.

Jacqueline de Jong
« Disasters »
Galerie Allen

12 octobre – 21 décembre 2024

La Galerie Allen présente la première exposition posthume de la peintre et sculptrice néerlandaise Jacqueline de Jong ; exposition à laquelle l’artiste a collaboré avant sa disparition en juin dernier. Jacqueline de Jong était connue pour être résolument politique, mettant l’accent sur les événements actuels dans ses peintures surréalistes qui rappellent les contes de Grimm. Les cinq tableaux présentés dans le cadre de cette exposition, dont trois ont été réalisés au cours de l’année écoulée, portent un regard sans concession sur la violence insoutenable des catastrophes humanitaires auxquelles le monde est aujourd’hui confronté, des guerres en Ukraine et à Gaza, aux drames qu’entraîne la migration en Méditerranée. En faisant ce choix d’une manière picturale exempte de tout relief à l’instar de nos écrans, Jacqueline de Jong semble vouloir nous mettre en garde contre la banalisation de l’horreur.

Rashid Johnson
« Anima »
Hauser & Wirth

14 octobre – 21 décembre 2024

Rashid Johnson poursuit son exploration de la spiritualité et de l’animisme dans sa dernière exposition personnelle chez Hauser & Wirth. L’exposition marque les débuts en galerie de ses séries « God Paintings » et « Soul Paintings » (toutes deux 2023-2024), chacune présentant des compositions densément stratifiées et un leitmotiv de vesica piscis - un symbole qui fait référence au troisième œil mystique et à la recherche de l’âme. Les peintures sont accompagnées de sculptures en bronze à la texture rugueuse ainsi que de son dernier film Sanguine (2024), qui explore les thèmes de l’amour et du care à travers trois générations de sa famille. L’exposition démontre l’étendue et l’évolution de la pratique artistique de Rashid Johnson ; sa capacité à trouver de nouveaux moyens d’aborder le concept d’introspection d’un point de vue à la fois personnel et universel.

Bob Smith
« From Space Countries Have No Borders »
Emanuela Campoli

14 octobre – 21 décembre 2024

Les voyages ont nourri la pratique de l’artiste américain Bob Smith, décédé à Miami en 1990. Les impressions rapportées de ses longs séjours au Maroc et en Espagne, ainsi que celles de ses voyages au Moyen-Orient et en Europe, sont restées présentes dans son œuvre longtemps après qu’il soit retourné vivre aux États-Unis. Smith a participé activement à la scène avant-gardiste new-yorkaise des années 1970 et 1980, et certains des dessins et peintures réalistes présentés ici reflètent la grisaille et la morosité de la ville à cette époque. Les paysages oniriques nés de son imagination, où se côtoient des éléments issus des différentes cultures qu’il a connues sont particulièrement présents ici. Ses dioramas complexes, qu’il appelait « boîtes », encapsulant à échelle réduite des univers et des idées sont. La boîte Tiznit Morocco (1980) utilise du vert de mer et différentes nuances de bleu pour créer un royaume sous-marin où coexistent des silhouettes énigmatiques. Le seul élément identifiable est une photo en noir et blanc d’un homme, probablement l’artiste, sur un fond de palmiers, situant la scène quelque part entre la mémoire et le paysage de rêve.

« Arte Povera. Charting a Revolution »
Tornabuoni Art
14 octobre 2024 – 18 janvier 2025

Oubliez Turin – l’arte povera a une nouvelle maison à Paris cet automne. Alors que la Collection Pinault accueille à la Bourse de Commerce une vaste exposition consacrée à la naissance du mouvement, qui a débuté à la fin des années 1960 avec des artistes utilisant des matériaux banals tels que des pierres, de la terre et des cordes dans l’espoir de subvertir la commercialisation de l’art, cette exposition chez Tornabuoni Art met en évidence sa nature révolutionnaire à travers une sélection d’œuvres historiques et d’installations à grande échelle. Les œuvres exposées, dont les premières toiles réfléchissantes de Michelangelo Pistoletto, la Casa di Lucrezio (1981-82) de Giulio Paolini et Mimetico (1967) d’Alighiero Boetti, ont créé une grammaire déterminante pour l’arte povera.

Mimosa Echard
« Lies »
Galerie Chantal Crousel

15 octobre – 16 novembre 2024

Mimosa Echard semble ne s’interdire aucun matériau : noyaux de cerises, latex, sauge, œufs de poisson, améthyste, aluminium, verre, colle vinylique et perles, tous trouvent place dans ses peintures, à la texture si dense qu’elles en deviennent presque des sculptures. Pour « Lies », sa deuxième exposition à la Galerie Chantal Crousel, Mimosa Echard poursuit son exploration des processus naturels qui interviennent lors de l’interaction entre deux matériaux - la décoloration d’un colorant au contact d’un autre, l’oxydation du métal ou l’absorption d’un liquide par une substance poreuse. Ici, sur le métal oxydé des tableaux s’invitent voiles et breloques aux côtés d’une série de photographies prises dans une galerie marchande parisienne, soulignant l’artificialité du consumérisme face à l’œuvre du temps.

Moffat Takadiwa
« The Reverse Deal »
Semiose
12 octobre – 16 novembre 2024

De loin, les tentures murales de Moffat Takadiwa ressemblent à de somptueuses tapisseries colorées, mais en y regardant de plus près, on s’aperçoit qu’elles sont réalisées à partir de rebuts de la consommation mondialisée : des touches d’ordinateur sales et jaunies, des têtes de brosse à dents usagées, des boucles de ceinture en métal. Ces œuvres sculpturales reflètent l’environnement dans lequel elles ont été réalisées : Moffat Takadiwa vit à Mbare, une banlieue de la capitale du Zimbabwe, Harare, près de l’un des plus grands centres de recyclage du pays et où l’économie locale informelle tourne autour de la vente d’articles de seconde main en provenance d’Europe. Cette exposition poursuit les thèmes explorés dans sa présentation pour le pavillon du Zimbabwe à la Biennale de Venise de cette année. En mettant l’accent sur l’exportation des déchets européens vers l’Afrique, sur leur récupération et leur potentiel de transformation, et leur éventuel retour en Europe sous forme d’œuvres d’art de grande valeur, Moffat Takadiwa attire l’attention sur le consumérisme, les inégalités, le post-colonialisme et l’environnement.

Crédits et légendes

Catherine Bennett est une journaliste basée à Paris qui écrit sur l'art, les voyages et la culture. Elle a écrit pour The GuardianThe Washington PostApollo et la BBC.

Légende pour image d’en-tête : Bob Smith, The Shepherd’s Son, 1983. Courtesy of the Estate of Bob Smith and Emanuela Campoli. Photo: Max C Lee.

Publié le 10 octobre  2024.