« Fiza Khatri : The Beauty You Beheld »
Semiose Project Room, Paris
Jusqu’au 15 mars 2025
Certaines personnes (dont l’auteur de ces lignes) considèrent que paresser est une activité productive. Le∙la jeune peintre pakistanais∙e établi∙e aux États-Unis Fiza Khatri pourrait bien en faire partie, à en juger par ses peintures apaisantes actuellement exposées à la Project Room de Semiose, à Paris. Trois toiles montrent des personnages dans différents états de repos physique, installés parmi des plantes luxuriantes et flanqués d’un compagnon félin. Mais dans les scènes de Fiza Khatri, l’immobilité n'est pas assimilée à l’oisiveté : l’exubérance de la végétation et la vigilance du chat peuvent être lues comme des allégories de vies intérieures riches, qui nécessitent du repos pour être contemplées, explorées et appréciées dans toute leur ampleur. Pour celles et ceux qui ne seraient pas intéressé∙e∙s par ces réflexions iconologiques, la maîtrise impressionnante de la couleur, de la lumière et de la composition de ce∙tte jeune artiste suffit à justifier une visite à la galerie. K. C.
« Chiharu Shiota : Les frémissements de l’âme »
Grand Palais, Paris
Jusqu’au 19 mars 2025
À la suite de sa réouverture tant attendue, le Grand Palais présente une exposition phare de Chiharu Shiota, artiste japonaise basée à Berlin qui transforme l’espace en paysages textiles éthérés. Connue pour ses installations immersives dans lesquelles elle utilise du fil de laine pour créer des récits complexes autour d’objets du quotidien, Chiharu Shiota compose un œuvre qui brouille les frontières entre l’art et l’architecture, la métaphysique et la matérialité. S’étendant sur 1 200 m2 et créée en partenariat avec le musée d’art Mori, à Tokyo, dont la directrice, Mami Kataoka, est la commissaire du projet, l’exposition invite les visiteur∙euse∙s à voyager à travers sept installations monumentales, aux côtés de dessins intimes et de pièces d’archives qui retracent l’exploration par l’artiste, sur deux décennies, des rêves, du temps et de l’interconnexion. P.S.
Otto Piene
Sprüth Magers, Berlin
Jusqu’au 5 avril 2025
Les dernières œuvres d’Otto Piene, que présente cette exposition, exploitent la force élémentaire du feu pour évoquer quelque chose d’à la fois éphémère et éternel. Cofondateur du groupe allemand ZERO en 1957, l’artiste cherchait à dépasser le monde matériel, utilisant la lumière, le mouvement et la combustion comme outils de transformation. Les « Fire Paintings » exposées ici font du feu un médium, brûlant à travers le pigment pour créer des formes lumineuses, sculptées par la chaleur. Sont également montrées ses œuvres murales en céramique de la série « Raster », où des glaçures métalliques sont pressées sur l’argile à travers des écrans perforés avant la cuisson. Comme les « Fire Paintings », elles portent l’empreinte du feu, leurs surfaces marquées par l’imprévisibilité de la chaleur et des réactions chimiques. Ensemble, les pièces suggèrent un univers en flux, où la lumière et la matière sont transformées en quelque chose qui dépasse le visible. A. R.
« Linder : Danger Came Smiling »
Hayward Gallery, Londres
Jusqu’au 5 mai 2025
Comme toutes les véritables icônes, Linder ne porte qu’un seul nom. L’artiste britannique a émergé de la scène punk de Manchester à la fin des années 1970 et s’est rapidement fait remarquer par ses collages acérés disséquant les économies du désir capitaliste – et par ses performances extravagantes en tant que chanteuse du groupe Ludus. Près de 50 ans plus tard, il apparaît clairement que Linder a réussi là où beaucoup ont échoué, canalisant l’énergie brute de ses premières œuvres pour alimenter une carrière s’étendant sur plusieurs décennies à travers le montage, la photographie, la chorégraphie, le cinéma, la sculpture et pratiquement tout ce qui se trouve entre tout cela. Cette importante exposition solo à la Hayward Gallery – étonnamment, sa première rétrospective londonienne – prouvera que la critique féministe féroce de Linder n’a rien perdu de son mordant. En effet, alors que de nouvelles formes alarmantes de masculinité toxique continuent de surgir, son travail est plus percutant que jamais. C. M.
« Sam Youkilis : Under the Sun »
C/O Berlin, Berlin
Jusqu’au 7 mai 2025
Très suivi sur Instagram, le photographe new-yorkais Sam Youkilis apparaît dans sa première exposition institutionnelle : ses désormais célèbres « cartes postales » de voyages vers des destinations ensoleillées réalisées à l’iPhone sont agrandies pour s’adapter à des caissons lumineux verticaux de 2 m de haut, suspendus au plafond ou montés sur les murs dans une série d’espaces immersifs. Les courts métrages et les images de l’artiste séduisent les spectateur∙rice∙s avec des scènes lumineuses de couchers de soleil sur l’eau, de locaux∙ales excentriques préparant et buvant leur cappuccino en Italie, d’amoureux∙ses s’embrassant à une fenêtre à Istanbul et bien d’autres tableaux. La dernière salle est la plus hypnotique : sur trois écrans côte à côte, des nuées d’hirondelles volettent dans le ciel au-dessus de paysages urbains romains. Sam Youkilis a été salué comme un « indexeur du quotidien » : libre à nous de rêver que la vie quotidienne de chacun∙e peut être aussi séduisante que ses images. K. B.
« Dennis Morris — Music + Life »
Maison Europénne de la Photographie, Paris
Jusqu’au 18 mai 2025
Dennis Morris est de ces génies qui œuvrent dans l’ombre à la fabrication des légendes. Bob Marley, les Sex Pistols, Marianne Faithfull et bien d’autres : les plus grandes icônes de la scène musicale londonienne des années 1970 et 1980 sont passées devant son objectif. Le photographe britannique, arrivé de la Jamaïque dans les années 1960 à Londres, trouve sa vocation très tôt et débute en documentant la vie des communautés sikhe et noire dans les quartiers de Southall et Hackney. Il se lie d’amitié avec Bob Marley grâce à un instant d’audace, et commence à côtoyer les artistes stars et montant∙e∙s de l’époque. Nommé directeur artistique du label jamaïco-britannique Island Records, il conseille les musicien∙ne∙s et les aide à créer des images inoubliables, sur leurs pochettes d’album comme dans leurs moments intimes. Dans cette rétrospective, la première de Dennis Morris, la MEP retrace la carrière de cet artiste complet, dont l’humilité et la vision ont permis de participer à l’écriture d’un chapitre majeur de l’histoire de la musique. J. A.
Sylvia Sleigh
« Every leaf is precious »
Ortuzar, New York
Jusqu’au 5 avril 2025
La beauté ne réside-t-elle que dans l’œil de celui∙celle qui regarde ou pourrait-elle aussi se trouver au bout d’un pinceau ? Les portraits et allégories de Sylvia Sleigh des années 1960 et 1970, exposés le mois prochain chez Ortuzar, à New York, peuvent certainement nous faire considérer cette dernière hypothèse. L’artiste américaine d’origine galloise est principalement connue pour sa réinterprétation de nus historiques, pour lesquels des modèles masculins posent d’une manière qui rappelle La Grande Odalisque d’Ingres (1814) ou Olympia
de Manet (1863). Mais Sylvia Sleigh ne s’est pas limitée à ce motif : elle a également peint des portraits plus chastes d’ami∙e∙s, de son mari et d’autres femmes du monde de l’art new-yorkais. Ce qui sous-tend le vaste mais concis corpus d’œuvres de l’artiste et les peintures exposées chez Ortuzar est sa capacité à faire des choix formels audacieux – mais jamais au détriment de ses sujets. En conséquence, la beauté rayonne doucement de ses tableaux éclatants, comme la chaleur d’un canapé qu’un∙e amant∙e viendrait de quitter après une sieste. K. C.
Ces choix de la rédaction ont été rédigés par les membres de l’équipe éditoriale d’Art Basel :
Karim Crippa, Patrick Steffen, Alicia Reuter : Senior Editors
Coline Milliard : Executive Editor
Kimberly Bradley : Commissioning editor
Juliette Amoros : Associate Editor
Légende de l’image d’en-tête : Fiza Khatri, At Other’s Edge (détail), 2024. Avec l’aimable autorisation de l’artiste et de Semiose.
Publié le 12 février 2025.