Toutes les six semaines, l’équipe de rédaction d’Art Basel choisit ses expositions favorites à travers le globe. Voici huit expositions à ne pas manquer en février.
« Condo London 2024 »
Exposition collaborative de 50 galeries dans 23 espaces d'exposition
Londres
Jusqu’au 17 février 2024
« Condo » est une initiative lancée en 2016 par un groupe de galeristes londonien∙nne∙s désireux∙euses de favoriser un nouveau modèle de collaboration. L’idée est plutôt simple : des galeristes locaux∙ales invitent des confrères∙sœurs d’autres villes et régions du monde à organiser une exposition dans leur espace, leur offrant ainsi l’occasion de présenter leur programme à un nouveau public. Ce fut un succès : au fil des années, des « Condo » ont eu lieu à Shanghai, New York et Mexico, entre autres, toujours avec des participant∙e∙s passionnant∙e∙s et des dispositifs d’exposition de haut vol. Après une interruption, le concept revient à son lieu d’origine, réunissant 50 galeries dans 23 lieux à Londres.
Ce sont les découvertes et les associations inattendues qui font de Condo un projet particulièrement intéressant. Sadie Coles HQ, par exemple, a invité Kayokoyuki de Tokyo à présenter quatre artistes japonais∙e∙s de générations différentes, dont Emi Otaguro, qui utilise notamment le chewing-gum. Chez greengrassi, les visiteur∙euse∙s peuvent découvrir les œuvres intenses des artistes iranien∙nne∙s Haydeh Ayazi et Mostafa Sarabi, présentées à Londres par la galerie Delgosha de Téhéran. Chez Project Native Informant, la galerie P21 de Séoul présente une série de peintures et de sculptures pleines d’humour de Taewon Ahn décrivant les aventures d’un chat métamorphe, tandis que Gianni Manhattan de Vienne a choisi d’exposer les peintures fantasmagoriques de l’artiste français Ibrahim Meïté Sikely, où se rejoignent réflexions philosophiques et éléments d’art urbain. Voir toutes les expositions de Condo London peut relever du défi, mais celui-ci nous rappelle justement que la scène des galeries de la capitale britannique reste dynamique et résiliente. K. C.
Jeffrey Gibson
« DREAMING OF HOW IT'S MEANT TO BE »
Stephen Friedman Gallery, Londres
Jusqu’au 24 février 2024
Les Britanniques n’auront pas à attendre la Biennale de Venise pour apprécier le travail de Jeffrey Gibson. L’artiste né au Colorado et basé à New York – dont le pavillon américain est l’un des plus attendus de l’édition de cette année – démarre 2024 avec non pas une mais deux expositions au Royaume-Uni. Après ses débuts à la galerie londonienne Stephen Friedman, Jeffrey Gibson s’apprête à dévoiler un autre solo show, cette fois au Sainsbury Center de Norwich, sur la côte est. Son mélange unique de teintes fluo, associé à des techniques de perlage et au travail du cuir inspirés par son origine Choctaw-Cherokee est un fouet pour l’âme. Ludiques, tactiles, poétiques et toujours subtilement politiques, ses peintures et ses sculptures expriment un sentiment de solidarité qui n’aura jamais été aussi nécessaire. C. M.
Shneider Léon Hilaire
« Nou ak sa n pa wè yo (Nous et les Invisibles) »
Magnin-A, Paris
Jusqu’au 16 mars 2024
Les toiles de Shneider Léon Hilaire sont une plongée dans le folklore haïtien. Traversé par le vaudou, le travail du jeune peintre évoque la tradition de l’oralité en Haïti avec des tableaux sombres et éthérés qui content les mythes et légendes de ce peuple. Les êtres ne meurent pas mais deviennent invisibles et veillent sur les vivant∙e∙s, il ne faut pas se fier aux apparences des créatures rencontrées dans la nuit ou dans les rêves, et on n’est jamais à l’abri d’une rencontre avec une divinité ou un esprit. L’artiste utilise peu de couleurs, se concentrant sur une représentation fidèle des ciels nocturnes, et sur les nuances de blanc pour créer de la transparence. La présence de couleurs et d’animaux est ainsi toujours symbolique. J. A.
« DISEMBODIED »
Exposition collective
Nicodim, Los Angeles
Jusqu’au 17 février 2024
Que se passe-t-il lorsque notre âme se transcende alors que notre corps s’attarde dans ce monde ? Cela s’apparente-t-il à la description scientifique d’une expérience extracorporelle ? L’exposition collective « Disembodied » explore ce sujet en présentant un ensemble sophistiqué d’œuvres d’où émane extase et sensualité. La série de sculptures en bronze d’Isabelle Albuquerque représente des parties fragmentées de corps érotisés, les peintures poétiques de Rae Klein donnent à voir des candélabres, des assiettes, des tasses et des fleurs suspendus dans le ciel, orchestrant ainsi un festin parallèle, tandis que les toiles de Liang Fu perturbe la perception conventionnelle du temps en capturant des visages oscillant entre absence et présence. L’ensemble nous confère un plaisir coupable à se perdre dans cet univers annexe, guidé dans l’obscurité et l’inconnu par les visions éclairées de ces artistes. P. S.
Jenna Bliss
Haus am Waldsee, Berlin
Jusqu’au 5 mai 2024
À partir d’une documentation approfondie de films scénarisés exprimant l’esthétique de phénomènes culturels pop, l’artiste américaine Jenna Bliss propose des explorations acérées, et sous différentes perspectives, d’événements historiquement marginalisés. Cette exposition – son premier solo show institutionnel en Allemagne – met l’accent sur la ville de New York, notamment à travers des œuvres traitant du 11 septembre et du krach financier de 2008. Dans l’œuvre vidéo composée de huit épisodes Professional witnesses. (2021), huit acteur∙rice∙s évoquent leur « expérience » du 11 septembre, en suivant des scénarios que Jenna Bliss a écrits à partir de récits trouvés en ligne. Filmée dans un style rappelant celui d’Errol Morris et intégrant des publicités de magasins de la première décennie des années 2000, l’œuvre, à la fois sobre et drôle, offre différents points de vue sur cette journée tragique. La pièce la plus récente de l’exposition, True Entertainment (2023), est quant à elle un regard à l’humour critique sur le monde de l’art et la crise économique : d’une durée de 30 minutes, elle prend la forme d’un épisode de téléréalité se déroulant au sein d’un stand de foire d’art contemporain en 2007. E. M.
« Chéri Samba, dans la collection Jean Pigozzi »
Musée Maillol, Paris
Jusqu’au 7 avril 2024
Cette rétrospective de l’œuvre du peintre congolais Chéri Samba, couvrant 40 années de création, présente plus de 50 tableaux issus de la collection Jean Pigozzi. Avec un trait franc, des couleurs vives, voire des paillettes, Chéri Samba crée des toiles satiriques, dont la naïveté n’est que superficielle. Racisme dans le monde de l’art, enfants soldats, épidémies, impérialisme, confinement ou encore changement climatique ne sont que certains des sujets abordés par l’artiste dans ses imposantes peintures. Autre particularité « sambaïenne » : inclure du texte dans les tableaux, une habitude que Chéri Samba a gardé de son passé d’auteur de bande dessinée et la touche finale idéale pour enfoncer le clou. J. A.
« Aria Dean: Abattoir »
ICA, Londres
Du 8 février au 5 mai 2024
Combien de meurtres doivent être commis pour maintenir le statu quo ? Quels arrangements invisibles favorisent la domination et décident de qui tombera sous le coup de l’ordre établi ? Dans « Abattoir », l’écrivaine et artiste new-yorkaise Aria Dean sonde ces questions avec une férocité médico-légale. Articulée autour d’une installation cinématographique immersive, l’exposition explore les structures qui permettent l’assujettissement et la violence systémique à l’encontre des minorités en général, et des Noir∙e∙s en particulier, aux États-Unis et ailleurs. Réalisé à l’aide du moteur de jeu vidéo Unreal Engine, Abattoir, U.S.A.! emmène les spectateur∙rice∙s dans les entrailles d’une machine à tuer fictive, inondée du sang de ses victimes invisibles. « Abattoir », qui a été commandée par The Renaissance Society de Chicago, sera sans doute bientôt considérée comme un jalon dans le parcours d’une artiste qui a une belle carrière devant elle. C. M.
« VALIE EXPORT - Retrospective »
C/O Berlin
Jusqu’au 22 mai
En Autriche, dans l’ennui de l’après-guerre de la fin des années 1960, VALIE EXPORT a arpenté l’espace public vêtue d’un pantalon sans entrejambe, promené son collègue artiste Peter Weibel dans les rues de Vienne en laisse comme un chien et bousculé le consensus conservateur de la société autrichienne de bien d’autres manières encore. Cette rétrospective rend hommage aux films, photographies, installations, dessins, performances et travaux basés sur les médias provocateurs de l’artiste (y compris ses idées de « cinéma élargi ») avec des œuvres réalisées entre 1966 et 2009. En mettant l’accent sur la photographie, l’exposition souligne également la pertinence durable de la position féministe et sociocritique novatrice d’EXPORT de l’époque. K. B.