Dans le 1er
arrondissement de Paris, la grande place Vendôme, aujourd’hui synonyme d’hôtels et de commerces de luxe, a connu une histoire mouvementée tant sur le plan politique qu’artistique. Construite en 1698 pour célébrer les armées de Louis XIV, elle accueillit ensuite une colonne triomphale que Napoléon fit fondre à partir des canons saisis lors de la bataille d’Austerlitz. Pendant la Commune de Paris, le peintre Gustave Courbet était tellement écœuré par cette célébration de la guerre impériale, qu’il écrit une pétition au gouvernement de Défense nationale demandant qu’elle soit ‘déboulonnée’. La colonne sera plus tard détruite. Lorsque la Commune fut écrasée, Courbet fut condamné à payer les coûts astronomiques de la reconstruction du monument, ce qui l’amena à s’enfuir en Suisse, laissant derrière lui ses œuvres, vendues par le gouvernement pour une bouchée de pain. Il mourut quelques années plus tard.
Ce mois-ci, à l’occasion d’Art Basel Paris, une nouvelle statue va surgir du sol de la place Vendôme si chargée d’histoire : un champignon hallucinogène à chapeau rouge géant. Pourquoi un champignon ? « C’est un choix naturel », déclare l’artiste Carsten Höller, dont la galerie, Gagosian, a supervisé l’installation de l’œuvre. « Ici, il s’est passé beaucoup de choses qui ont à voir avec l’évolution humaine, et je veux opposer l’évolution humaine, en particulier culturelle, à l’évolution naturelle sous la forme d’un champignon – comme s’il allait jaillir de sous les pierres de la place Vendôme et revendiquer sa place au milieu de toute cette histoire. »
Ce que nombre d’entre nous voient comme étant le champignon dans son entièreté n’est en réalité que la fructification d’un organisme extrêmement complexe, notamment constitué de vastes et invisibles réseaux souterrains de mycélium pouvant s’étendre sur des kilomètres. De même, cette sculpture est le fruit d’une entreprise bien plus vaste, que Carsten Höller poursuit depuis des années : l’installation de champignons à chapeau rouge dans des espaces d’art du monde entier – suspendus au plafond ou tourbillonnant de manière hypnotique au sol. L’idée « est, d’une certaine manière, de montrer qu’il y a quelque chose qui dépasse notre compréhension », explique l’artiste. « En fin de compte, tout dépend de ce que nous pouvons comprendre, et je pense qu’il s’agit d’une ressource limitée. » (Pour ce qui est de la version qui tourne sur elle-même, il déclare, sans ambages : « En fait, l’intention était de créer une œuvre d’art qui rende les gens fous. »)
Le coup de foudre de Carsten Höller pour son spécimen préféré à chapeau vermillon s’est produit après qu’il ait lu un livre du mycologue R. Gordon Wasson, qui avançait que ce champignon – connu sous le nom d’Amanita muscaria ou, plus simplement, d’amanite tue-mouches – était l’ingrédient actif d’une « super drogue » mythique et psychotrope, le Soma, célébrée par l’ancien peuple védique du nord de l’Inde. L’artiste, agronome de formation, a ainsi entrepris de tester cette hypothèse – en commençant par ingérer lui-même le champignon. « Je devais le faire, n’est-ce pas ? C’est mon boulot » Et si cinq tentatives sur six n’ont abouti qu’à une expérience culinaire « dégoûtante » qui s’est soldée par un profond sommeil, la dernière a eu un effet semi-miraculeux. « Je me suis mis à chanter sur ma chaise », se souvient-il « Je suis très mauvais en chant – je ne peux pratiquement rien interpréter –, mais soudain, j’ai pu faire deux voix en même temps. Il existe une vidéo où l’on peut m’entendre chanter un air pour enfants. »
Additional research included a massive test, of sorts, carried out in 2010 as part of an exhibition at the Hamburger Bahnhof titled ‘Soma’. The show featured two sets of live animals – each consisting of reindeer, canaries, mice, and flies – that were subjected to the fly agaric, with the aim of noting differences in behavior induced by the substance. ‘It was a double-blind scientific experiment,’ he says, adding that, since no one actually tracked which creatures consumed the mushroom, ‘It was really more a proposition than a scientific experiment.’
Ce mois-ci, sur la place Vendôme, la mycorhize artistique de Carsten Höller se manifestera en surface sous la forme non comestible d’une sculpture en aluminium de 3 mètres de haut qui fusionne le chapeau rouge de l’amanite tue-mouches avec des caractéristiques de deux autres variétés de taille similaire, le stinkhorn à long filet et le tricholome terreux. Pourquoi ? « Ce sont des voix intérieures qui m’ont dit de le faire », explique l’artiste. « Finalement, on ne peut pas vraiment tout expliquer. »
Pour ceux·celles qui souhaiteraient goûter à l’un des champignons de Carsten Höller, nous avons une bonne et une mauvaise nouvelle. La bonne : le célèbre restaurant « brutaliste » de l’artiste, Brutalisten, situé à Stockholm, collaborera avec l’atelier culinaire We Are Ona pour une filiale à Paris pendant la foire, qui servira des champignons. La mauvaise : ce ne seront pas des amanites tue-mouches. « J’aimerais bien des champignons sauvages, mais cela dépend vraiment de ce que l’on pourra trouver en fonction de la météo », précise l’artiste. « Sinon, nous pourrons aussi faire un plat incroyable avec des champignons de Paris, ceux que l’on achète au supermarché. »