Qu’est-ce que tout le monde devrait avoir dans son sac lors d’une visite de foire ?
Amanda Love : Je préfère ne pas avoir de sac : cela facilite l’entrée dans la foire, puisqu’il n’y a rien à faire contrôler. Je vous conseille de garder l’essentiel dans vos poches, comme votre téléphone avec une carte indiquant l’itinéraire que vous vous êtes fixé, des lingettes en prévision de toutes les mains que vous allez serrer, et des bandes de Listerine pour l’haleine, car on parle et on s’embrasse beaucoup aussi.
William Zhao : Ce dont vous avez absolument besoin, c’est votre téléphone. La foire de Hong Kong a pris une telle ampleur qu’il faut se concentrer. Je vous conseille de prendre un gros brunch pour pouvoir sauter le déjeuner. Prévoyez du chocolat et de l’eau, et préparez-vous à marcher pendant des heures.
Que recommanderiez-vous à ceux∙elles qui visitent Art Basel Hong Kong pour la première fois ?
AL : Allez-y à votre rythme ! Le programme est toujours très complet, mais il est aussi très chargé. J’essaie d’arriver la veille et de voir autant d’expositions que possible avant l’arrivée de la foule ; les soirs d’ouverture, il peut être difficile d’utiliser les ascenseurs.
WZ : Cela vaut la peine de rester en ville au moins quatre jours, voire une semaine. Depuis la pandémie de Covid-19, la scène culturelle de Hong Kong a énormément évolué. Le musée M+ a ouvert ses portes et Tai Kwun [un centre d’art situé dans un ancien complexe du commissariat central] propose un programme fantastique. Il y a beaucoup de jeunes galeries hongkongaises très dynamiques, comme Kiang Malingue. Elles disposent d’un nouveau bâtiment magnifique dans le quartier de Wan Chai. Une autre jeune et intéressante galerie est PHD Group, qui est dotée d’un rooftop. Elle expose des artistes hongkongais∙e∙s talentueux∙ses. C’est très avant-gardiste. Du côté des antiquités, nous avons le musée du Palais de Hong Kong.
Quel∙le∙s sont les artistes et galeries que vous êtes le∙la plus impatient∙e de découvrir dans l’édition 2024 ?
AL : Je suis très impatiente de voir l’œuvre hors les murs présentée dans le centre commercial Pacific Place dans le cadre d’Encounters par l’artiste contemporain australien indigène Daniel Boyd, coprésenté par Station et Kukje Gallery. À la foire, il y a Angela Tiatia et Naminapu Maymuru-White chez Sullivan+Strumpf – cette dernière participera à la Biennale de Venise 2024 d’Adriano Pedrosa. J’adore le travail d’Anne Imhof, qui exposera chez Sprüth Magers, et de Cécile B. Evans chez Layr. Il sera également intéressant de voir le nouveau travail de l’étoile montante Loie Hollowell chez Jessica Silverman. Ainsi que la présentation de Yona Lee chez Fine Arts, Sidney.
WZ : J’ai hâte de voir le stand solo de Greene Naftali, qui présente des œuvres de Jacqueline Humphries, ainsi que stand de P.P.O.W. Cette galerie gère la succession de Martin Wong et représente également d’excellent∙e∙s nouveaux talents. Antenna Space propose toujours des artistes très créatif∙ve∙s, comme Xinyi Cheng. Vitamin Creative Space est une autre galerie chinoise. Elle ne livre jamais d’aperçu de son stand avant la foire, mais sa présentation est toujours fantastique. La plupart des galeries envoient des PDF parce qu’elles veulent toujours vendre à l’avance, mais cette galerie fait exception et son stand est donc une surprise, ce qui est vraiment agréable.
Quelles sont les galeries que vous avez le plus hâte de voir en ville ?
AL : J’ai vécu à Hong Kong à la fin des années 1980, à une époque où la ville était pratiquement un désert culturel, à l’exception du Fringe Club. Je suis émerveillée et fière de voir à quel point la ville s’est développée sur ce plan. Des infrastructures comme Tai Kwun ont joué un rôle essentiel dans ce processus. À l’autre bout de la chaîne, j’ai hâte de voir la nouvelle galerie de Hauser & Wirth. Comme il∙elle∙s me l’ont décrit, l’espace promet d’être assez incroyable – un autre élément de qualité dans l’important paysage culturel de Hong Kong, et un vote de confiance culturelle dans la région dans son ensemble.
WZ : La Pace Gallery exposera le travail de Kylie Manning, que je veux voir. David Zwirner expose Wolfgang Tillmans, qui est toujours bon. Pour les jeunes artistes en vogue, il y a la WOAW Gallery. J’ai particulièrement hâte de visiter des espaces locaux tels que Empty Gallery et, bien sûr Blindspot Gallery, qui adopte une approche plus académique. C’est la deuxième fois consécutive que les artistes de cette dernière exposent à la Biennale de Venise ; cette année, Trevor Yeung représentera Hong Kong.
Quels sont les facteurs les plus importants lorsque vous sélectionnez des œuvres d’art pour un∙e client∙e ?
AL : En tant que professionnelle, je suis fière de pouvoir mettre de côté mes propres goûts et de me concentrer sur ce que je considère comme objectivement important – c’est-à-dire le bon art – et d’identifier ce qui ne vaut pas la peine qu’on y prête attention – c’est-à-dire le mauvais art. L’objectif est de rechercher ces œuvres de qualité, tout en tenant compte des goûts personnels du∙de la client∙e. Ce sont ces acquisitions qui permettront à chaque personne de faire un « voyage artistique » particulier et, je l’espère, d’améliorer leur connaissance de soi. Je considère que mon travail consiste à apprendre à connaître mes client∙e∙s et à comprendre ce qu’il∙elle∙s aiment afin de pouvoir les aider à cerner et à développer leurs intérêts avec des œuvres qui continueront à leur parler au fil du temps. L’objectif est de constituer une collection qui ait une résonance personnelle et une pertinence sur le plan de l’histoire de l’art.
WZ : Ce qui est très important pour moi, c’est l’authenticité. Les artistes doivent être 100 % honnêtes dans leur travail, et celui-ci doit être un véritable reflet d’eux∙lles-mêmes. Il doit également s’agir d’une œuvre de qualité. Même si un∙e artiste est talentueux∙se, il peut lui arriver d’être moins bon∙ne. Enfin, l’œuvre d’art doit être entre de bonnes mains, et la galerie est donc également importante. Une bonne galerie protège ses artistes et ne se concentre pas uniquement sur les aspects commerciaux.
Existe-t-il des différences entre les client∙e∙s asiatiques et les client∙e∙s occidentaux∙ales ?
AL : Pas à ma connaissance, peut-être en raison de la façon dont je préfère travailler avec les client∙e∙s.
WZ : Même avec la mondialisation, il faut toujours garder à l’esprit les nuances culturelles. Par exemple, certain∙e∙s Asiatiques ont encore un peu de mal avec la nudité, alors que pour les Européen∙ne∙s ou les Américain∙e∙s, c'est peut-être plus facile à gérer. Il est difficile de généraliser, mais il est important de ne pas perdre de vue les subtilités.
Que conseillez-vous pour découvrir au mieux la foire et le programme public ?
AL : Art Basel rend les choses très simples avec son site internet, qui est accessible, complet et rigoureux – un véritable smorgasbord. Vous pouvez faire des recherches bien avant la foire et réserver des billets afin d’établir votre programme à l’avance. C’est bien aussi de garder un œil sur le Financial Times avant la foire – il propose généralement un tour d’horizon assez complet et assez éclairé.
WZ : Chaque visiteur∙euse d’une foire d’art recherche quelque chose de différent. Personnellement, je fais le tour de toutes les galeries sur lesquelles je veux vraiment me concentrer, en visitant leur stand dans les heures qui suivent l’ouverture. Ensuite, je reviens pour passer de nouveau en revue tous les stands au cas où j’aurais manqué quelque chose. En un ou deux jours, vous pouvez voir les œuvres d’un millier d’artistes, et vous avez donc besoin de temps pour tout assimiler. C’est bien de revenir et d’accorder un second regard à une œuvre. Même si la concurrence est rude dans une foire d’art et que vous ne pourrez peut-être pas acheter cette œuvre en particulier, vous aurez au moins trouvé quelque chose de bien. Il ne s’agit pas seulement d’acquérir des œuvres, mais aussi de s’informer ou de découvrir des artistes que vous pourrez suivre à l’avenir.
Pouvez-vous partager un secret de votre métier ?
AL : L’éducation, l’honnêteté et la perspicacité, associées à une constitution en béton qui permet une collecte constante d’informations – en temps réel ou non, au niveau local et international. Il s’agit d’évaluer, de réévaluer et d’apprécier.
WZ : Les gens peuvent penser qu’il faut être exagérément confiant∙e, voire arrogant∙e pour s’épanouir dans le monde de l’art, mais je pense qu’il faut vraiment être humble et curieux∙se. Ce sont des qualités très utiles. Il est important d’essayer de comprendre les artistes, par exemple, même s’il∙elle∙s sont nouveaux∙elles et novices. Si vous avez les pieds sur terre et l’esprit ouvert, vous pouvez apprendre quelque chose de nouveau.
Après la foire, où vous arrêtez-vous pour prendre un verre ou pour dîner avec vos client∙e∙s ?
AL : Pour ce qui est de boire un verre, je ne peux pas vous le dire ! C’est un endroit minuscule, un véritable secret local. Les dîners se décident souvent en fonction des invitations, ce qui est toujours un plaisir. Mais si c’est moi qui invite, je ne me lasse pas de « l’air d’altitude » du Man Wah, au sommet de ma maison spirituelle, le Mandarin Oriental. C’est de là que j’ai assisté à l’entrée dans la ville des troupes de l’Armée populaire de libération de la Chine, à minuit et une minute, le 1er juillet 1997 [date de la rétrocession de Hong Kong à la Chine par le Royaume-Uni] et je suis retournée dans ce restaurant presque tous les ans depuis. Le Man Wah s’est réinventé à plusieurs reprises, sans jamais rien perdre de son excellence ni de son charme relaxant.
WZ : Pour être honnête, je ne sors pas beaucoup pendant la foire, mais je peux vous donner quelques noms. Il y a un grand restaurant français appelé Louise qui utilise des ingrédients locaux et a une carte des vins étonnante. Un autre de mes préférés est le restaurant japonais Sushi Fujimoto ; le chef vient de Sushi Saito, le célèbre restaurant de Tokyo. Pour boire un verre, il y a le bar à cocktails COA, près de Hollywood Road, qui a une très bonne ambiance, et un nouveau bar magnifique sur le toit du Landmark, le Cardinal Point.