Amour, érotisme et sacrilège. Voilà quelques-uns des thèmes abordés par les artistes dans le cadre de la nouvelle initiative Oh La La! à Art Basel Paris. Injectant un vent de renouveau dans la foire, 35 galeristes transformeront leurs stands le vendredi et le samedi, y exposant des œuvres inédites, intrigantes et pleines de provocation. Voici sept moments forts à ne pas manquer.
Ellen de Bruijne Projects
Sergei Eisenstein
« The rhythm of ecstasy: the sex drawings, 1931-1948 »
Célébré comme le père du montage cinématographique, le réalisateur soviétique Sergei Eisenstein est reconnu pour ses films révolutionnaires. Ce que l’on sait moins, c’est qu’il était également un dessinateur prolifique. De ses croquis de caricatures à ses conceptions de costumes pour le théâtre, le dessin a été une pratique essentielle tout au long de sa vie. Sa série méconnue de dessins érotiques, réalisés pour la plupart dans les années 1930 alors qu’il travaillait au Mexique, sera mise à l’honneur par la galerie d’Amsterdam Ellen de Bruijne Projects. Ces croquis, à la fois humoristiques et subversifs, illustrent des scènes débridées où humains, animaux et objets inanimés se livrent à des fantasmes charnels sans retenue.
Massimodecarlo
Maurizio Cattelan, Paola Pivi et Thomas Grünfeld
Retour sur ses débuts pour le galeriste milanais Massimo De Carlo, qui a ouvert sa première galerie en 1987. Pour l’occasion de Oh La La!, il met en avant des œuvres de ses premiers artistes phares. Au centre du stand trône A Perfect Day (1999), une photographie monumentale de Maurizio Cattelan, où le galeriste lui-même est scotché au mur par de larges bandes de ruban adhésif. Parmi les autres pièces marquantes, une œuvre murale étincelante de Paola Pivi, composée de chutes de perles roses artificielles, ainsi qu’une sculpture en bois et caoutchouc de Thomas Grünfeld, Gummi (1999), aux contours organiques.
Air de Paris
Bruno Pélassy
Formé à la bijouterie et au design textile, le regretté Bruno Pélassy – qui a notamment travaillé pour Swarovski – est connu pour ses sculptures audacieuses et provocantes. Sa carrière, interrompue trop tôt à 36 ans par une maladie liée au sida, est représentée par Bye Bye Jeff (1998), une sculpture phallique en perles, pièce maîtresse du stand d’Air de Paris. S’élevant en une forme serpentine et scintillante, l’œuvre est parsemée de perles de verre, de cristaux et de pierres semi-précieuses, évoquant la figure de Jeff Stryker, acteur pornographique connu pour ses produits dérivés, notamment un godemiché moulé d’après son anatomie. La galerie profitera de la foire pour lancer une nouvelle monographie sur l’artiste. En complément, une sculpture de Gaëlle Choisne, l’une des nominé·e·s de cette année pour le Prix Marcel Duchamp, viendra enrichir la présentation.
Layr
Käthe Kollwitz
Chez Layr, le public découvrira une œuvre poignante de l’artiste allemande Käthe Kollwitz (1867-1945), pionnière de l’expressionnisme. « C’est mon devoir de donner une voix aux souffrances humaines, ces souffrances sans fin amassées comme des montagnes », disait-elle. Ses dessins vibrants de tristesse, ses gravures sombres et ses bois gravés témoignent de cette mission. Installée à Berlin dans les années 1920, elle vivait au cœur de la misère des patient·e·s de son mari, médecin de quartier. La souffrance de ces personnes, ainsi que ses propres deuils, nourrissaient son art. Des femmes en pleurs aux enfants malades, elle cherchait à capturer les épreuves quotidiennes et la dignité des classes populaires ; ses œuvres, chargées d’empathie, trouvent encore aujourd’hui un écho poignant.
Galeria Plan B
Anca Munteanu Rimnic
Dans le stand de la Galeria Plan B, l’artiste roumano-allemande Anca Munteanu Rimnic joue avec le regard des visiteur·euse·s. In and I (2015), un miroir voilé d’un délicat tissu d’organza, déforme les reflets, créant une vision floue à travers ce voile fin. Cette œuvre stimule la curiosité et invite à l’interaction, contrairement à Frame (2009), une performance pour laquelle un acteur scrutera obstinément ce qui semble être une toile blanche sans relief, au point de se fondre dans le décor du stand de la galerie. Ces deux œuvres illustrent l’intérêt de longue date de l’artiste pour la relation entre l’art et celles·ceux qui le contemplent.
Galleria Raffaella Cortese
Marcello Maloberti
La Conversione di San Paolo (2024)
Les visiteur·euse·s seront surpris·e·s en pénétrant dans le stand de la Galleria Raffaella Cortese de Milan, dont le sol sera couvert d’images sacrées. L’artiste italien Marcello Maloberti a recouvert le sol de représentations anciennes de Jésus, inspirées d’icônes russes et de mosaïques byzantines. Intitulée La Conversione di San Paolo, l’installation, réalisée dans un matériau doré réfléchissant, bouleverse nos repères. D’habitude, nous levons les yeux pour contempler le divin ; ici, Maloberti inverse la perspective et nous invite à fouler du pied ce qui est sacré. Au fur et à mesure que les visiteur·euse·s piétineront la surface scintillante, les images dorées se déchireront, une métaphore du temps et de l’érosion des croyances.
Galerie Max Mayer
J. Parker Valentine
La Galerie Max Mayer braque les projecteurs sur les œuvres éthérées de J. Parker Valentine. Dans sa pratique, l'artiste texane se concentre sur le dessin, avec des compositions allant de croquis bruts sur de grands panneaux de MDF aux toiles découpées et réassemblées, recouvertes de lavis d’encre et de lignes tremblantes. Elle s’essaie aussi à la sculpture, créant des œuvres délicates en fil de cuivre suspendant des morceaux de mousseline marqués de traits de crayon et de graphite. Bien que statiques, ses œuvres semblent vibrer, évoquant l’acte même de la création artistique.