Ali Cherri, Triumph of the Limp, 2022

Présenté par Almine Rech

Né en 1976, vit et travaille à Beyrouth

Installation

Dans ses vidéos et installations à plusieurs niveaux de lecture, Ali Cherri explore les manières dont la violence et les déplacements de population imprègnent la mémoire collective. S’intéressant notamment aux pratiques archéologiques, Ali Cherri critique l’influence sous-jacente des courants nationalistes et coloniaux sur la circulation, l’interprétation, et l’exposition d’œuvres et d’objets. À travers une recherche approfondie et des interventions, Ali Cherri exhume le passé enfoui d’artefacts, souvent dissimulé par les institutions. Lors de sa résidence d’un an à la National Gallery de Londres en 2022, l’artiste a travaillé sur l’histoire du vandalisme à la lumière des œuvres de la collection. Pour son projet au musée national Eugène-Delacroix, il propose deux cabinets de curiosité qui rassemblent des fragments et artefacts formant des créatures hybrides, telles les reliques des différentes collections.

Ouvert jusqu’au 28 octobre, de 9h30 à 17h30

Miu Miu est le Partenaire Officiel du Programme Public

Audioguide

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Notice rédigée par les élèves de l'École du Louvre

Né en 1976, Ali Cherri est un artiste franco-libanais. Les thèmes de la guerre et de la violence sont récurrents dans sa pratique artistique. L'oeuvre Triumph of the Limp aborde ces sujets au sein du contexte muséal. C’est en 2021 que l’artiste, en résidence à la National Gallery de Londres, élabore ces oeuvres et propose un dialogue avec les tableaux du musée : la Vénus au miroir de Vélasquez, et L'Adoration du Veau d'or de Poussin. 

L'installation comprend deux vitrines rassemblant plusieurs éléments aux provenances variées, en écho aux cabinets de curiosités. Dans la première installation, des agneaux siamois taxidermisés reposent sur un socle doré rectangulaire orné de bas-reliefs représentant des personnages dansant, semblables à des scènes de bacchanales. La seconde propose la recomposition d’une Vénus allongée sur un velours rouge, alliant deux fragments, la tête féminine en marbre posé sur un miroir et le corps en bois d’une Vénus paléolithique. Cherri expose ainsi, au sein de son installation, un agneau monstrueux et une Vénus composite, à travers ces “corps brisés", expression récurrente dans son propos. Le corps meurtri de la Vénus et la silhouette de l'agneau, deux êtres symboles de beauté et d'innocence, évoquent ici les blessures des peuples et des oeuvres. 

Dans Triumph of the Limp, Cherri reprend des fragments afin de questionner le discours muséal, ainsi que ce qui fait oeuvre d'art. Ces “corps brisés” font office d’intermédiaire entre les spectateurs et les pans de l’Histoire que les musées ont délaissés. Ces objets comme l'agneau siamois ou la Vénus chimérique n'auraient pas été présentés dans un espace muséal si ce n'est grâce aux recompositions de l'artiste. Ainsi, Cherri leur accorde de la valeur ainsi qu'un sens nouveau, comme l'agneau siamois qui a été acheté lors d'une vente aux enchères. Il aborde également la violence qui s’exerce dans le cadre muséal et les blessures infligées aux oeuvres, en particulier celles subies par les tableaux de référence mentionnés précédemment, ayant été vandalisés. Les musées, censés les protéger, effacent souvent ces actes par la restauration, s’opposant à l’écriture d’une Histoire juste, qui laisserait apparaître les marques des agressions. 

Révélant la tension entre protection et violence dans les musées, les personnages meurtris des oeuvres de Cherri invitent à réfléchir sur la façon dont l’Histoire s'écrit et sur sa part de violence. Les cicatrices des oeuvres deviennent des témoignages de luttes sociales et politiques qui ne doivent pas être invisibilisées. Cherri invite ainsi à reconsidérer le rôle du musée comme un espace où se rejoue l’Histoire des conflits humains. 

Margaux Appéré, Marie Bustos, Eulalie Meyer