Jean-Charles de Quillacq, A real boy, 2024
Présenté par Marcelle Alix
Né en 1979 à Parthenay, vit et travaille entre Sussac et Zürich
Sculptures
L’exubérant cadre du XVIIe siècle de la Chapelle des Petits-Augustins ne pouvait offrir meilleur écrin aux sculptures de Jean-Charles de Quillacq. Morceaux de pain, mégots de cigarette, liquide de refroidissement automobile se partagent l’espace avec les œuvres permanentes du musée et plusieurs formes organiques, tendues ou au repos, allongées sur des supports de polystyrène qui conservent les traces de leur fabrication. Jean-Charles de Quillacq concentre ses recherches sur le corps et ses représentations, ses matières et ses interactions, son organisation sociale. Mannequins à moitié nus à l’entrejambe en polyuréthane moulé dans un jeans, reconstitution chimique de la propre sueur de l’artiste, ces représentations agissent comme des métaphores de la nature ambiguë et instable du capitalisme.
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Crédit photo : Vue d’installation de l’œuvre Alexa (2021) de Jean-Charles de Quillacq dans l’exposition « Des corps, des écritures. Regards sur l’art aujourd’hui », Musée d’Art Moderne, Paris, 2021. Photographie d’Aurélien Mole.
Notice rédigée par les élèves de l'École du Louvre
Né en 1979, Jean-Charles de Quillacq est diplômé des Beaux-Arts de Lyon et formé à Berlin puis Amsterdam. Il explore dans sa pratique artistique la vulnérabilité humaine dans un monde dominé par le consumérisme. L’exposition « A Real Boy », inspirée de Pinocchio Pipenose Household Dilemma de Paul McCarthy, réunit plusieurs oeuvres exposées à la Chapelle des Petits-Augustins. Ce titre désigne aussi la vidéo de 11 min 40, dans laquelle l’artiste drogué aux somnifères dort dans son atelier telle une marionnette inerte au milieu de ses créations.
Les gisants qui peuplent la chapelle font écho aux corps démembrés, fragilisés, fondamentalement fragmentaires réalisés par Jean-Charles de Quillacq. Cette exposition crée une unité sémantique où les gisants antiques communiquent avec le corps moderne, abîmé et meurtri. Tantôt lisses, tantôt rugueuses, les oeuvres revisitent la morbidezza de la Renaissance, désignant le caractère doux et flasque du modelé sculptural, transposé dans une représentation contemporaine.
Les sculptures, faites de matériaux industriels, sont mêlées aux fluides corporels de l’artiste. A travers cette porosité, l’artiste met en exergue la dégénérescence du corps dans le monde moderne. Pourtant, cette hybridité se retrouve aussi dans la représentation des objets quotidiens : l’artiste crée des chimères dans lesquelles les objets se mélangent. Des baguettes de pain sont en même temps des mégots de cigarette, une table de jardin devient un animal quadrupède et des tuyaux prennent la forme de boyaux. L’aspect organique des corps prend une place prépondérante dans l’exposition. Pourtant, aucun corps n’est complet : des demi-êtres jonchent le sol, ce qui crée un effet particulièrement dramatique et morbide. Cependant, l'érotisme traverse aussi cette exposition : les tubes monumentaux rappellent des formes phalliques, plaçant ainsi le visiteur dans une position de voyeur. Le corps est fait objet : tant inerte - comme Pinocchio - qu’objet sexuel.
À travers une esthétique du fragment et du non-finito, « A Real Boy » évoque ainsi la mutation incessante du corps, prisonnier des excès modernes, tout en dialoguant avec un passé sacralisé. Érotisme et symbole phallique traversent ces oeuvres, révélant une tension entre attraction et répulsion. La place du désir dans la société contemporaine se libère donc ici de l’impératif de bienséance.
Jean-Charles de Quillacq fait de la chapelle un lieu d’expérimentation, offrant au spectateur une vision du corps moderne, asphyxié et démembré par les injonctions sociales.
Pia DUSSAUCHOY, Claire KELLENBERGER, Victor PETERS
Audioguide
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