<p><span style=""></span></p><p><span style="">Influence majeure de la scène allemande depuis les années 1990, l’artiste est enfin à l’honneur à Paris&nbsp;</span></p>

Ingrid Luquet-Gad

« Énergies », une double exposition de Judith Hopf 

<p>En collaboration avec <em style="background-color: initial;">Les Inrockuptibles</em></p><p>Ce serait tout ce que l’on attend d’une exposition. En l’occurrence « Énergies » est la première de Judith Hopf en France, orchestrée entre deux lieux parisiens, le Plateau du Frac Île-de-France et Bétonsalon. Et parce que l’absence de la scène française d’une artiste pourtant majeure sur la scène internationale étonne, il faut encore préciser : majeure, non seulement par la teneur intrinsèque de sa pratique, mais également du fait de l’impact qu’elle aura exercé sur son temps, depuis la scène berlinoise post-chute du mur jusqu’à la génération suivante, et celle à venir.</p>

<p>Ainsi, dans les années 1990-2000, elle participe à la classe libre de l’Académie des Beaux-Arts ou à la librairie et espace de rencontres b_books, contribuant à introduire auprès du public allemand les auteur∙e∙s d’un tournant post-fordiste de la pensée critique (de Judith Butler à Paolo Virno, d’Ève Chiapello et Luc Boltanski à Avital Ronell). Et, depuis 2008, elle est enseignante et codirectrice du département des beaux-arts de la Städelschule de Francfort-sur-le-Main – dont le statut, réel ou mème-ifié, de fabricateur de carrières globales, perdure. Judith Hopf serait donc de ces artistes dont l’influence avérée leur taille d’emblée une place dans l’histoire de l’art, par filiations indirectes ou par effet générateur d’énergie. Il n’empêche : à Paris, c’est donc, chance rare, d’un œil vierge qu’on la regarde, et comme lors d’une première rencontre qu’on l’appréhende.</p>

<p>Or son travail s’y prête. Ses installations, où se mêlent la plupart du temps sculptures et vidéos, ne présupposent aucune connaissance artistique préalable de notre part. Ses formes dérivent de l’environnement industriel et technologique immédiat, tout en lui appliquant une opération matérielle qui nous le présente à neuf (plutôt qu’elle ne le représente) et permet ce faisant un recul critique sur le conditionnement qu’il induit sur les corps et les esprits. Ainsi, la monumentalisation d’un élément sans qualité (brin d’herbe, épluchure de pomme), l’amalgame de temporalités antithétiques (smartphones d’argile, éclair de métal) ou celle de règnes (moutons brutalistes, panneaux solaires-gruyère).</p><p>On le voit : chaque élément, chaque sculpture, se laisse nommer comme un calembour, un trait d’esprit un peu farfelu qui aurait pris une forme brinquebalante, doucement grotesque ou absurdement poétique. Peut-être parce que la chute, le déséquilibre, guette à chaque pas : tandis que la pluie tombe dru et que les rayons de soleil ruissellent, les serpents à langue d’e-mail ou les arabesques d’épluchures tendent autant de pièges aux promeneur∙euse∙s distraitement penché∙e∙s sur leur écran – ce peut être nous, mais ce sont aussi ces sculptures humaines en argile que l’on retrouve dans les deux espaces. Mais la chute n’arrive pas, elle est sans cesse différée.</p>

<p>Au sein de l’écosystème que dresse Judith Hopf, tout tient malgré tout : une énergie (ou ces&nbsp;<em>Énergies&nbsp;</em>énoncées sobrement en titre) se diffuse et se répand, circule des racines organiques aux confins cosmiques, de l’usagerère individuelle au troupeau. Mais l’artiste nous en montre avant tout les heurts et les frictions. Ici, au fil des deux expositions-paysages, il ne s’agit pas du fluide universel de l’électricité qui, au début de la modernité, donna naissance au système de vision de la peinture abstraite ; il ne s’agit pas plus du liquide amniotique de l’univers digital, qui, près d’un siècle après, rêvera d’ubiquité moirée durant les années post-internet. Non, Judith Hopf est une artiste de l’infrastructure.</p>

<p>Tout a beau, aujourd’hui, être en apparence dématérialisé, elle vient en geler un temps les mécanismes : le cloud devient visible par l’entremise de socles en forme de nuages sur lesquels se dressent les&nbsp;<em>smartphone addicts</em> ; la technologie sans fil se transforme en un ensemble de serpents de béton, métal et papier ; et enfin, les réunions Zoom de l’équipe d’exposition débouchent sur la vidéo&nbsp;<em>Less/Contrat entre les hommes et l’ordinateur&nbsp;</em>(2022), soit un texte rédigé sur le modèle du<em>« </em>Contrat social de l’homme et de la femme<em> »&nbsp;</em><u></u>d’Olympe de Gougeset répété par chacun∙e des participant∙e∙s.</p><p>Alors que règnent actuellement partout le paradigme représentatif figuratif et le mal d’archives, ce que l’on attend d’une exposition qui puisse parler à toutes est pourtant simple, et en même temps si rare : la structure matérielle du contemporain alliée à la stratégie oblique de l’humour.</p>

<p>Ingrid Luquet-Gad est une critique d’art et doctorante basée à Paris. Elle est en charge de la rubrique art des <em>Inrockuptibles</em>, membre du comité de rédaction de <em>Spike Art Magazine</em> et correspondante pour <em>Flash Art</em>.</p><p><strong>« Énergies</strong><strong> »<br /></strong><strong style="background-color: initial;">Judith Hopf<br /></strong><strong style="background-color: initial;">Jusqu’au 11 décembre 2022<br /></strong><strong style="background-color: initial;">Bétonsalon – centre d’art et de recherche et Frac Île-de-France, Paris</strong></p><p><strong></strong></p><p>Cet article fait partie d'une collaboration à l'année entre Paris+ par Art Basel et <em>Les Inrockuptibles</em>. Retrouvez l'article original&nbsp;<a href="https://www.lesinrocks.com/arts-et-scenes/judith-hopf-une-plasticienne-majeure-a-redecouvrir-a-paris-504523-14-11-2022/">ici</a>.</p>

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Influence majeure de la scène allemande depuis les années 1990, l’artiste est enfin à l’honneur à Paris

French Dispatch

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Intro

Installation view

PARAG2

PARAG3+4

Zoom

PARAG5

PARAG6+7

CREDITS

H2 - Headline title

Information module

A major influence in Germany since the 1990s, the artist is finally getting her dues in Paris

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