Le directeur de Paris+ par Art Basel dévoile les temps forts de l’édition 2023

Coline Milliard

Clément Delépine : « Le moment culturel est au décloisonnement »

Coline Milliard : L’année 2022 était l’année du lancement de Paris+ par Art Basel. 2024 sera celle de l’arrivée de la foire au Grand Palais rénové. Comment caractériserais-tu cette édition 2023 ? 
Clément Delépine : Nous allons bien évidemment monter en puissance par rapport à 2022. L’an dernier, nous avons lancé la foire en neuf mois alors que nous avons pu travailler une année complète sur cette édition. 2023 sera donc une année de perfectionnement. Cela étant dit, elle reste aussi une année de transition et d’expérimentation. Nous allons continuer d’envoyer quelques ballons d’essai. 
Y aura-t-il des changements notables ? 
Tout d’abord, il y a des changements importants au niveau de la liste des galeries. Cette année, nous allons par exemple accueillir pour la première fois <a href="https://www.artbasel.com/catalog/gallery/1571/Jan-Mot" target="_blank"></a><a href="https://www.artbasel.com/catalog/gallery/1070/Blum-Poe" target="_blank">Blum & Poe</a>, <a href="https://parisplus.artbasel.com/catalog/gallery/1073/Bortolami" target="_blank">Bortolami</a>, <a href="https://www.artbasel.com/catalog/gallery/1182/kurimanzutto" target="_blank">kurimanzutto</a>, <a href="https://www.artbasel.com/catalog/gallery/1571/Jan-Mot" target="_blank">Jan Mot</a>, et&nbsp;<a href="https://www.artbasel.com/catalog/gallery/1239/P-P-O-W" target="_blank">P.P.O.W</a><a href="https://www.artbasel.com/catalog/gallery/1182/kurimanzutto" target="_blank"></a>. Pour la partie Moderne et Marché secondaire, nous attendons <a href="https://parisplus.artbasel.com/catalog/gallery/1805/Richard-Nagy-Ltd" target="_blank">Richard Nagy Ltd</a>.&nbsp;Quatre galeries – <a href="https://www.artbasel.com/catalog/gallery/2620/Galerie-Anne-Barrault" target="_blank">Galerie Anne Barrault</a>, <a href="https://www.artbasel.com/catalog/gallery/2002/Antenna-Space" target="_blank">Antenna Space</a>, <a href="https://www.artbasel.com/catalog/gallery/2005/Carlos-Ishikawa" target="_blank">Carlos/Ishikawa</a>, <a href="https://www.artbasel.com/catalog/gallery/20254/Edouard-Montassut" target="_blank">Edouard Montassut</a> –, qui participaient au secteur Galeries Émergentes l’an dernier, vont intégrer cette année le secteur général. C’est important que Paris+ par Art Basel puisse soutenir et accompagner le développement de jeunes galeries. Pour moi, c’est un signal fort. On a aussi préservé une spécificité française qui est un enjeu déterminant pour l’identité de la foire. Plus d'un tiers de nos exposants ont un espace en France.&nbsp;Je suis donc particulièrement content des choix qui ont été faits par le comité de sélection.

Tu es connu pour ton soutien à l’émergence. Est-ce qu’il y a des développements artistiques qui te semblent particulièrement clairs en ce moment ?
Le travail des artistes est souvent le reflet des problématiques qui traversent nos sociétés. De mon point de vue, c’est d’autant plus manifeste dans le travail des artistes émergent∙e∙s. En ce moment, on parle beaucoup du retour du « craft » et du geste artisanal. Je remarque également une préoccupation pour le non-humain. De plus en plus de jeunes artistes interrogent notre manque d’égard pour le monde qui nous a faits et se projettent dans des perspectives animales ou environnementales écosystémiques. Il y a aussi beaucoup de jeunes artistes qui utilisent le vêtement comme médium. On est en train d’observer un rapprochement, de voir un réel télescopage entre des champs créatifs autrefois moins perméables. La mode et l’art en est un bon exemple. 
Enfin, de nombreux jeunes artistes utilisent, avec beaucoup de dextérité, le médium vidéo sous toutes ses formes, y compris la réalité virtuelle, les moteurs de jeux vidéo ou les logiciels d’intelligence artificielle. Il se passe des choses vraiment très intéressantes en ce moment au niveau de l’image en mouvement.
Comment ces développements seront-ils visibles dans le secteur Galeries Émergentes ?
Pour n’en citer que quelques-unes, il y a justement des positions vidéo très fortes présentées dans ce secteur. Par exemple à la galerie londonienne <a href="https://www.artbasel.com/catalog/gallery/3755/seventeen" target="_blank">seventeen</a>, qui présentera le travail de Joey Holder, ou à <a href="https://www.artbasel.com/catalog/gallery/2186/Bank" target="_blank">BANK</a>, de Shanghai, qui montrera le travail de <a href="https://www.artbasel.com/catalog/artist/11617/Lu-Yang" target="_blank">Lu Yang</a> – ou encore chez <a href="https://www.artbasel.com/catalog/gallery/17772/Document" target="_blank">DOCUMENT</a>, de Chicago, qui exposera une proposition du collectif indonésien <a href="https://www.artbasel.com/catalog/artist/16002/Tromarama" target="_blank">Tromarama</a> combinant différents médiums.

Paris+ par Art Basel a toujours eu l’ambition d’activer le territoire urbain de Paris au sens large. Comment cela se manifestera-t-il en 2023 ?
Nous continuons de densifier le maillage de nos collaborations institutionnelles. Il en résulte que les programmes publics vont s’élargir de manière vraiment significative. Par exemple – et pour la première fois dans l’histoire d’Art Basel –, nous allons présenter le programme des Conversations dans une institution : le Forum du Centre Pompidou. 
Comme l’année passée, nous investirons le jardin des Tuileries, en collaboration avec le musée du Louvre, pour une exposition dont le commissariat a été confié à Annabelle Ténèze, directrice des Abattoirs à Toulouse et future directrice du Louvre-Lens. En collaboration avec la Ville de Paris, nous investissons de nouveau la place Vendôme avec une œuvre majeure d’<a href="https://www.artbasel.com/catalog/artist/7461/Urs-Fischer" target="_blank">Urs Fischer</a>, présentée par <a href="https://www.artbasel.com/catalog/gallery/1123/Gagosian" target="_blank">Gagosian</a>. Nous avons intégré au programme le parvis de l’Institut de France, où sera montrée une grande colonne de <a href="https://www.artbasel.com/catalog/artist/7743/Sheila-Hicks" target="_blank">Sheila Hicks</a> présentée par la <a href="https://www.artbasel.com/catalog/gallery/1109/galerie-frank-elbaz" target="_blank">galerie frank elbaz</a> en collaboration avec <a href="https://www.artbasel.com/catalog/gallery/1217/Meyer-Riegger" target="_blank">Meyer Riegger</a> et&nbsp;<a href="https://www.artbasel.com/catalog/gallery/1116/Francesca-Minini" target="_blank">Francesca Minini</a>. 
Nous continuerons aussi notre collaboration avec l’École des Beaux-Arts pour une exposition de Jessica Warboys, proposée par la galerie <a href="https://www.artbasel.com/catalog/gallery/2886/Gaudel-de-Stampa" target="_blank">Gaudel de Stampa</a>, dans la chapelle des Petits-Augustins, et commençons enfin une nouvelle collaboration avec le Palais d’Iéna, qui accueillera cette année un dialogue entre <a href="https://www.artbasel.com/catalog/artist/6914/Daniel-Buren" target="_blank">Daniel Buren</a> et <a href="https://www.artbasel.com/catalog/artist/7035/Michelangelo-Pistoletto" target="_blank">Michelangelo Pistoletto</a>, et dont le commissariat a été confié à Matthieu Poirier, avec le soutien de <a href="https://www.artbasel.com/catalog/gallery/1093/Galleria-Continua" target="_blank">Galleria&nbsp;Continua</a>. 
Paris+ par Art Basel devient un vrai relais des institutions parisiennes. 
Cela nous tient beaucoup à cœur. À mon sens, l’une des clés du renouveau parisien passe par l’action des fondation privées. Les collaborations entre le public et le privé ont permis la réalisation d’expositions importantes : je pense par exemple à <a href="https://www.artbasel.com/catalog/artist/20430/Charles-Ray" target="_blank">Charles Ray</a> présenté à la Bourse de Commerce et au Centre Pompidou, ou à <a href="https://www.artbasel.com/catalog/artist/8708/Cyprien-Gaillard" target="_blank">Cyprien Gaillard</a> montré au même moment par Lafayette Anticipations et le Palais de Tokyo. Nous nous réjouissons de nous inscrire dans cette dynamique générative. 
Paris+ par Art Basel est un rendez-vous annuel, qui réunit sous un même toit des œuvres d’art extraordinaires, portées par des galeries formidables et données à voir à des collectionneuses et des collectionneurs très engagé∙e∙s. C’est cette audience – curieuse, investie, internationale – que nous mobilisons pour nos institutions partenaires. 
Enfin, nous avons aussi la responsabilité de nous rendre accessibles à tous les publics. Il y a un enjeu pédagogique important, puisqu’il y a parfois des œuvres qui ne sont montrées que dans le contexte d’une foire. Notre mission dépasse le cadre commercial, nos audiences sont multiples et variées. Il m’apparaît donc fondamental que la foire se déploie au-delà des murs du Grand Palais Éphémère. Et je tiens à préciser que tous nos programmes publics sont accessibles gratuitement et ouverts à toutes et à tous.

Tu mentionnais le programme des Conversations, proposé par Charles Teyssou et Pierre-Alexandre Mateos. Comme tu le disais, cette année, les Conversations auront lieu au Centre Pompidou, au cœur même de Paris. Pourquoi est-ce important ?
C’est une chance de pouvoir ancrer ce programme de Conversations dans un lieu qui soit à la fois un lieu de production de discours sur l’art et un lieu de passage. Le Centre Pompidou est l’un des musées les plus iconiques et les plus visités du monde. Être présent sur le Forum permet d’inviter des visiteur∙euse∙s qui ne se seraient pas déplacé∙e∙s au Grand Palais Éphémère. L’idée est de créer des accidents, des rencontres, des télescopages. Mon souhait est qu’une personne entende une bribe de conversation en passant par le Forum et que cette phrase percole, fasse réfléchir – ou réagir. C’est tout l’enjeu de l’art.
Une autre collaboration très importante de Paris+ par Art Basel est celle avec Lafayette Anticipations. Chaque année, la fondation et la foire s’associent pour récompenser une galerie et leur artiste présenté∙e dans le secteur Galeries Émergentes. L’artiste reçoit une résidence et une exposition à Paris l’année suivante, ainsi qu’un soutien à la création – et la galerie se voit rembourser ses frais de participation à la foire. Cela crée un trait d’union entre les éditions. 
L’idée, c’est d’accompagner les galeries et les artistes sur le long terme. Certain∙e∙s des artistes perçu∙e∙s comme « émergent∙e∙s » aujourd’hui positionneront leur travail de manière spectaculaire et seront un jour considéré∙e∙s comme des artistes majeur∙e∙s ou blue chip, pour reprendre l’expression anglo-saxonne. Ce partenariat peut déboucher sur une première exposition institutionnelle en France. Il est très important pour nous d’accompagner sur la durée à la fois les artistes et les galeries. Parce que les carrières se construisent sur le long court.
Selon l’Art Market Report publié par Art Basel et UBS, la France est le 4e marché mondial, avec un volume qui frise les 5 milliards de dollars – une première historique. Quels signes de cette croissance as-tu pu observer sur le terrain ? 
La France est un marché dont la part mondiale est passée de 4 à 7 % en 20 ans. Aujourd’hui, 50 % des transactions d’art en Europe se font en France. C’est aussi un marché qui s’enrichit parce qu’il importe – et les œuvres restent en circulation en France.&nbsp;Parmi les signes concrets, on peut observer par exemple que de nombreuses galeries ouvrent et que les galeries s’agrandissent. Les galeristes font confiance au marché français.

Qu’est-ce qui, à tes yeux, distingue Paris des autres centres mondiaux de l’art ? 
Je crois fondamentalement à une perméabilité entre les champs créatifs. Paris permet naturellement l’intersection des arts visuels et de la mode, du design, de l’architecture, de la gastronomie… Il ne s’agit pas de tout niveler, certainement pas, mais le moment culturel est au décloisonnement – et Paris peut en être le terrain d’expérimentation. La ville a toujours été un laboratoire pour les avant-gardes – c’est d’ailleurs aussi l’un des sujets du programme des Conversations. Donc finalement, je pense que la nature avant-gardiste de Paris, dans son passé, dans son présent comme dans son futur, permet de tester de nouvelles idées et d’être aux avant-postes de la conversation sur l’art.
Enfin, tu parles d’expérimentation, qu’est-ce qu’un∙e visiteur∙euse à Paris doit essayer au moins une fois ? 
Paris est une ville dense, mais relativement petite comparée à d’autres capitales. On marche du nord au sud ou d’est en ouest en moins de trois heures. Pour celles et ceux qui le peuvent, c’est à mon sens le meilleur moyen de comprendre la ville. 
<hr>
Découvrez le programme public complet <a href="https://parisplus.artbasel.com/public-program" target="_blank">ici</a>.
Coline Milliard est Executive Editor d’Art Basel. 
Publié le 10 juillet 2023.
Légende des images en pleine page, de haut en bas : photographies de Marion Berrin pour Art Basel.&nbsp;1. Jardin des Tuileries. 2. Palais d’Iéna. 3. Centre Pompidou.

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