Pendant 20 ans, le concept store parisien Colette a été la boussole du « style, du design, de l’art et du fooding », comme le proclamait sa devise (StyleDesignArtFood). Sarah Andelman est au cœur de cette formidable réussite. C’est avec sa mère, Colette Roussaux, qu’elle a cofondé en 1997 le magasin de la rue Saint-Honoré pour y faire découvrir leurs produits préférés, issus des quatre coins du monde. En tant que directrice de la création du magasin, Sarah Andelman était constamment à l’affût de tout ce qui était « cool », qu’il s’agisse du célèbre Water Bar, qui servait plus de 100 types d’eau en bouteille provenant du monde entier, ou de ses choix de collaborations, notamment avec Hello Kitty x Playboy et Pharrell x Ladurée.
« Le shopping doit être une expérience : la présentation, la qualité, l’originalité des produits, les vendeur∙euse∙s, tout compte », explique Sarah Andelman à Art Basel. Depuis la fermeture de Colette en 2017, elle a conçu des pop-ups pour le grand magasin parisien Le Bon Marché et la plateforme de ventes aux enchères de Pharrell Williams, JOOPITER. En 2021, Sarah Andelman a lancé JUST AN IDEA, une maison d’édition dédiée à des monographies de collection sur des créateur∙rice∙s, comme l’artiste et photographe Katerina Jebb et l’artiste Douglas Coupland.
Le lancement en juin de l’Art Basel Shop est un nouveau défi pour Sarah Andelman. Associant art, littérature, magazines, mode, ou encore souvenirs, la boutique comprendra une sélection de produits créés par des artistes – associés à des galeries présentes à la foire – allant d’un autocollant à 3 francs suisses à des éditions à 5 000 francs suisses, qui ne seront disponibles que sur place. « J’aime l’art et j’aime visiter des expositions, mais j’aime particulièrement les produits dérivés liés à l’art. Pour moi, l’art n’est pas uniquement dans les musées, c’est aussi ce que l’on a tous les jours sous les yeux à la maison », nous dit Sarah Andelman par appel vidéo depuis son bureau. Elle montre son porte-stylo, orné de chefs-d’œuvre miniatures. « Je ne peux peut-être pas m’offrir un de ses tableaux mais je suis ravie d’avoir ce petit sticker Tom Sachs ».
Outre un large éventail de prix, Sarah Andelman a repris une autre recette du succès de Colette : la joie de la découverte. « Je veux surprendre les gens. Ce qui m’importe, c’est qu’on découvre dans la boutique des produits qu’on n’a encore jamais vus » explique-t-elle, ajoutant que l’Art Basel Shop adaptera son offre à chaque édition de la foire. De nombreux produits auront pour thème le secteur Unlimited d’Art Basel, qui est une singularité de l’édition suisse de la foire. Cette année, 70 œuvres et trois performances composeront Unlimited, et pour la première fois, les visiteur·euse·s pourront voter pour leur œuvre préférée grâce à l’Unlimited People’s Pick.
S’appuyant sur l’engouement du secteur pour des formes d’art non conventionnelles, Sarah Andelman a conçu une ligne de produits portant différentes inscriptions : « Unlimited Ideas » (un porte-mine Bic), « Unlimited Caffeine » (une tasse et une soucoupe en porcelaine de Non Sans Raison, Limoges), « Unlimited Fun » (un set de ping-pong), et bien d’autres choses encore. Certains articles font référence aux traditions locales, comme la boîte de biscuits épicés « Unlimited Treats », très appréciés à Bâle, et « Unlimited Fun », un sac imperméable en forme de poisson, utilisé pour garder les vêtements au sec lors des baignades dans le Rhin.
La Heritage Collection de la boutique rend quant à elle hommage à la mémoire de la foire, en s’inspirant de documents d’archives, et des différents designs graphiques d’Art Basel. Sarah Andelman a été particulièrement séduite par le premier logo d’Art Basel, qui évoque, selon elle, des « caractères japonais ». Chapeaux, tee-shirts et sacs sont tous disponibles dans leur design de 1970.
La boutique présentera notamment une collection capsule en édition limitée, réalisée en collaboration avec un∙e artiste différent∙e pour chaque foire. Le projet démarre en juin avec Christine Sun Kim, une artiste américaine née malentendante, et aujourd’hui basée à Berlin. Ses dessins, performances et vidéos traitent souvent de la communication et du langage, qu’il s’agisse de la langue des signes américaine (ASL), ou encore du langage corporel. Sa légèreté et son humour transparaissent dans les vêtements sur lesquels on peut lire « MAKE ME SOUND SMART » et « REPEAT AFTER ME », tandis que d’autres objets, comme des miroirs, des foulards et des assiettes, servent de support à des dessins pleins d’humour.
Parmi les créations phares de Kim, figure un puzzle en édition limitée commémorant sa série d’installations pour le Festival international de Manchester en 2021, Captioning the City, qui comprenait un avion survolant le ciel avec une bannière indiquant : « [THE SOUND OF NO FIGHT] ». Devenue mère récemment, Kim a également conçu un hochet qui dit : « [THE SOUND OF SOUND BEING LOOSE] », en collaboration avec la marque française de jouets musicaux écologiques Nina & Miles. Le 11 juin, la boutique d’Art Basel organisera une rencontre avec l’artiste, au cours de laquelle les visiteur∙euse∙s pourront acquérir des éditions signées de ses œuvres.
Parmi les produits à découvrir en exclusivité : un skateboard conçu par Cindy Sherman pour the Skateroom, et une nouvelle édition du livre Pulped Fiction (2023) de l’artiste britannique David Shrigley, qui sera proposé dans un format inédit. L’origine du projet remonte à 2017, lorsqu’une librairie caritative au Royaume Uni est devenue célèbre après avoir exhorté ses clients à ne plus lui apporter d’exemplaires du célèbre roman de Dan Brown, Da Vinci Code, paru en 2003, car elle en possédait déjà des centaines. David Shrigley a produit 1 250 versions du roman dystopique de George Orwell, Nineteen Eighty-Four, en réduisant en pulpe de papier des exemplaires de poche invendus du Da Vinci Code. Des traces des pages d’origine subsistent encore, faisant de chaque livre une œuvre d’art unique en son genre. David Shrigley sera présent à la boutique le 12 juin pour une discussion et une séance de dédicaces.
« À mon avis, lorsque les artistes investissent le terrain des objets et produits dérivés, plus c’est insolite mieux c’est », juge Sarah Andelman à propos de l’étendue et de l’éclectisme de ce que proposera la boutique. « Ce sera le magasin de mes rêves. »
Pour autant, la fondatrice de JUST AN IDEA est tout à fait consciente que certain∙e∙s refusent encore d’aborder le monde de l’art avec un regard véritablement commercial. « Je sais que certain∙e∙s artistes sont opposé∙e∙s aux produits dérivés, et je le respecte, mais j’aimerais qu’iels comprennent qu’il s’agit d’un moyen de rendre leurs créations accessibles à un public beaucoup plus vaste. Même pour les grand∙e∙s collectionneur∙euse∙s, c’est toujours un plaisir d’être au contact de l’art dans son quotidien », dit Sarah Andelman, qui fait l’éloge de galeries comme Perrotin, Hauser and Wirth et Gagosian, qui ont mis en place des boutiques conçues intelligemment, éditant, entre autres, des livres et des estampes, à des prix abordables. Pour elle, la clé du succès des produits dérivés réside dans la nuance : « Il faut trouver le bon équilibre pour que le produit ne soit pas trop commercial et que l’art s’en trouve mis en valeur, mais je pense qu’il est important pour le monde de l’art de faire tomber certains murs ».